Quatre femmes en costume tiennent les mains.

Les vrais leaders se servent en dernier – Simon Sinek – La confiance : un levier de transformation puissant

Chapitre 2 – Les salariés sont aussi des personnes

Dans cette entreprise, avant que l’empathie ne se soit mise à régner, le travail était ressenti comme… eh bien, comme du travail. Le matin, les ouvriers de l’atelier se tenaient à leur poste en attendant le signal. Au son de la sonnerie, ils basculaient les interrupteurs et lançaient les mécaniques. En quelques secondes, le vrombissement des machines engloutissait le son de leur voix. La journée de labeur avait commencé.

Au bout de deux heures, une autre sonnerie carillonnait, annonçant la pause. Les machines s’arrêtaient et presque tous les travailleurs quittaient leur poste. Certains allaient aux toilettes. D’autres buvaient un café. Et quelques-uns restaient simplement assis devant leur machine, se reposant, jusqu’au signal de la reprise du travail. Encore quelques heures et la sonnerie les autoriserait à quitter le bâtiment pour le déjeuner. Ainsi faisait-on depuis toujours.

« Je ne savais pas qu’on pouvait faire autrement », note Mike Merck, un chef d’équipe à l’épais accent sudiste, qui travaille chez Hayssen-Sandiacre depuis quatorze ans. « Je pense que tout le monde à l’usine vous en aurait dit autant. »

Mais le rachat par Bob Chapman de cette entreprise de Caroline du Sud allait amener du changement. Chapman est le PDG d’un groupe au nom tout aussi peu harmonieux, Barry-Wehmiller, composé principalement d’entreprises manufacturières, rachetées à un rythme soutenu au fil des années. La plupart d’entre elles étaient en difficulté lors de leur acquisition. Leurs finances étaient fragiles, et leur culture parfois encore pire. Hayssen-Sandiacre était l’acquisition la plus récente. D’autres PDG auraient sans doute amené avec eux une équipe de consultants et une nouvelle stratégie. Ils auraient dit à tout le monde quoi faire pour « ramener l’entreprise dans le vert ». Chapman était arrivé avec un bagage tout différent : une volonté d’écoute. Comme dans toutes les entreprises qu’il rachète, il a commencé par s’asseoir pour écouter ce que les salariés avaient à lui dire.

Ron Campbell, vingt-sept ans de maison, rentrait de Porto Rico où, pendant trois mois, il avait installé dans l’usine d’un client des équipements industriels fournis par Hayssen-Sandiacre. Assis dans une pièce avec Chapman, il hésitait à décrire sa vie dans l’entreprise. « Avant tout, commença-t-il, si je dis la vérité, est-ce que j’aurai encore mon emploi demain ? » Chapman sourit. « Si vous avez des problèmes demain à cause de ce que vous dites aujourd’hui, téléphonez-moi. »

Alors, Campbell se mit à parler vrai. « Eh bien, M. Chapman, commença-t-il, on dirait que vous me faites beaucoup plus confiance quand vous ne pouvez pas me voir que quand je suis ici. Au loin, chez le client, j’avais bien plus de liberté qu’ici. Dès que j’entre dans l’usine, c’est comme si ma liberté disparaissait. C’est comme si quelqu’un me tenait en laisse. Je dois pointer quand j’arrive, puis quand je m’en vais déjeuner, puis quand je reviens, puis en fin de journée. Je n’avais pas besoin de faire ça à Porto Rico. » Chapman n’avait rien entendu de tel dans ses autres usines.

« J’entre par la même porte que les ingénieurs, les comptables et tous ceux qui travaillent dans les bureaux, continua Campbell. Ils tournent à gauche pour rejoindre les bureaux ; moi je vais tout droit vers l’atelier et on nous traite tout différemment. Vous leur faites confiance : ils peuvent choisir le moment d’aller boire un verre d’eau ou un café, ou de faire une pause ; moi, je dois attendre la sonnerie. »

D’autres pensaient de même. On aurait dit qu’il y avait deux entreprises différentes. Quels que fussent leurs efforts, ceux qui côtoyaient les machines avaient l’impression que, du simple fait qu’ils se trouvaient dans l’atelier au lieu d’être assis derrière un bureau, la société ne leur faisait pas confiance. Si un administratif avait besoin d’appeler chez lui pour avertir ses enfants qu’il rentrerait tard, il décrochait simplement le téléphone. Un ouvrier de l’atelier devait demander l’autorisation d’utiliser la cabine téléphonique payante.

Quand Campbell eut fini, Chapman se tourna vers le chef du personnel et lui demanda de retirer les pointeuses. Ainsi que les sonneries. Sans grandes proclamations et sans rien réclamer en échange aux salariés, il avait décidé que les choses seraient désormais différentes. Et ce ne fut que le commencement.

On allait injecter de l’empathie dans l’entreprise, et la confiance deviendrait la norme. Chapman préférait voir tous ses collaborateurs comme des humains, et non comme des ouvriers ou des employés de bureau : il apporta d’autres changements, afin que tous soient traités de la même manière.

Les pièces mécaniques de rechange avaient toujours été enfermées dans une cage bouclée à clé. Si un ouvrier avait besoin d’une pièce, il devait faire la queue devant la cage et s’adresser à un magasinier. Les ouvriers n’avaient pas le droit de pénétrer dans la cage eux-mêmes. La direction cherchait ainsi à se protéger contre les vols. Peut-être efficace contre la fauche, cette pratique rappelait puissamment aux salariés que la direction ne leur faisait pas confiance. Chapman ordonna de supprimer les verrous, d’enlever les grillages et de permettre à n’importe quel salarié de pénétrer dans la zone pour y chercher toute pièce ou outil dont il pensait avoir besoin.

Chapman élimina les cabines téléphoniques payantes et mit les téléphones de la société à la disposition de tous à tout moment. Pas besoin de pièces de monnaie, pas besoin d’autorisation. Tous les salariés auraient le droit de franchir toutes les portes et de visiter toute partie de l’entreprise chaque fois qu’ils le voudraient. Tous seraient traités de la même manière, qu’ils travaillent dans un bureau ou à l’atelier. Telle serait la nouvelle norme.

Chapman avait compris que pour obtenir la confiance des salariés, le dirigeant d’une organisation doit d’abord les traiter comme des personnes. Pour qu’on lui fasse confiance, il doit faire confiance. Chapman ne croyait pas que le simple fait d’avoir suivi des études ou de savoir compter rendait quelqu’un plus digne de confiance qu’un travailleur manuel nanti d’un simple CAP. Il pensait que les gens étaient foncièrement bons, et il allait les traiter comme tels.

En peu de temps, l’ambiance de l’entreprise devint davantage celle d’une famille. Le simple changement de leur cadre de travail amena les gens à se comporter différemment les uns envers les autres. Ils découvrirent un sentiment d’appartenance qui leur permit de se détendre et de sentir qu’on se préoccupait d’eux. Cette ambiance attentionnée les conduisit à s’engager pleinement « de cœur et d’esprit », comme Chapman aime à le dire, et l’organisation se mit à prospérer.

Un salarié du département peinture traversait une crise personnelle. Sa femme, diabétique, allait perdre une jambe. Il aurait eu besoin de temps pour l’assister, mais, en tant que salarié payé à l’heure, il ne pouvait se permettre de perdre son revenu. Il n’avait pas les moyens de ne pas travailler. Mais l’entreprise avait changé. Sans y être invités, ses collègues eurent vite échafaudé un plan : lui transférer leurs propres congés payés afin qu’il puisse s’absenter davantage. On n’avait jamais rien vu de tel dans l’entreprise. C’était d’ailleurs une infraction manifeste à ses règles officielles. Mais peu importait. « Nous pensons davantage aux autres », explique Merck. Et ainsi fut fait, avec l’aide du personnel administratif.

« Je n’avais jamais imaginé qu’on puisse aimer son boulot, dit Campbell. Quand les gens ont confiance en vous, vous travaillez mieux, pour mériter ou conserver cette confiance. » Depuis plus de dix ans que les grillages ont été enlevés, les vols ont été rarissimes. Et en cas de problème personnel, chacun sait que les dirigeants de l’entreprise et ses collègues sont à ses côtés.

Mais les salariés ne sont pas seulement devenus plus enclins à s’aider mutuellement. Ils veillent aussi mieux sur leurs machines. Cela signifie moins de pannes et moins de temps d’arrêt (et donc une meilleure maîtrise des dépenses). Les changements n’ont pas seulement été bons pour le personnel, ils ont aussi été favorables à l’entreprise. Depuis l’arrivée de Chapman aux commandes, HayssenSandiacre a vu ses revenus passer de 55 millions de dollars à 95 millions, par croissance interne et par acquisitions. La croissance s’est faite sans le moindre endettement et sans l’aide d’une réorganisation préconisée par des consultants. La société a grandi grâce aux gens qui y travaillaient déjà. Leur motivation envers elle a été ravivée et ne résulte ni de menaces ni de promesses de primes. Ils sont davantage motivés parce qu’ils veulent bien l’être. Une nouvelle culture attentionnée permet l’épanouissement des hommes et des stratégies.

Voilà ce qui se passe quand les dirigeants d’une organisation écoutent les gens qu’ils emploient. Sans coercition, sans contrainte et sans effort, les gens collaborent naturellement pour s’aider mutuellement et faire progresser l’entreprise. Le travail avec un sentiment d’obligation fait place au travail avec un sentiment de fierté. Et au lieu d’aller au travail pour l’entreprise, on y va les uns pour les autres. Le lieu de travail n’est plus un endroit qu’on redoute, c’est un endroit où l’on se sent valorisé.

Nous voyons ce que nous voulons bien voir

Chapman aime raconter l’histoire de sa première visite chez Hayssen-Sandiacre, cinq ans avant la transition évoquée par Mike Merck et Ron Campbell. C’était peu après l’acquisition de l’entreprise. Il en était le nouveau PDG, mais personne ne le connaissait, personne ne faisait attention à lui, qui sirotait une tasse de café avant sa première réunion. Les gens se comportaient comme d’habitude, attendant le début de la journée. Et ce que Chapman vit ce matin de mars 1997, assis dans la cafétéria, fut sa première expérience de cette entreprise. Il vit quelque chose qu’il n’avait encore jamais observé depuis qu’il était dans les affaires. La scène fut assez forte pour l’obliger à réexaminer toutes ses conceptions sur la façon de diriger une entreprise. Son action chez Hayssen-Sandiacre lui servirait bientôt de référence pour gérer son groupe entier. Et surtout, elle transformerait sa manière de gérer les gens qui travaillaient pour lui.

Assis dans son coin, Chapman regarda un groupe de salariés qui buvaient ensemble leur café du matin avant de commencer le travail… et ils y prenaient plaisir. Ils plaisantaient, ils riaient comme de vieux amis. Ils pariaient sur les résultats du match de basket retransmis par la télévision ce soir-là. La bonne humeur régnait et ils semblaient vraiment apprécier la compagnie des autres. Mais quand ils se levèrent pour démarrer la journée, le PDG remarqua chez eux un changement d’attitude spectaculaire. Comme à un signal, les sourires firent place à un air renfrogné. Les rires cessèrent. La convivialité s’évapora. « On aurait dit que leur énergie s’épuisait », note Chapman.

Ce dernier se sentit envahi de désespoir. Il avait déjà racheté des entreprises aussi mal en point que celle-là. Il avait côtoyé leurs salariés. Mais jamais il n’avait eu l’occasion de constater ce qu’il venait de voir. Malgré lui, il se sentait ébranlé et une question lui vint : Pourquoi ne pourrait-on prendre du plaisir au travail comme on en prend en-dehors du travail ?

Jusqu’à ce jour, il avait été un dirigeant tel qu’en forment les grandes écoles de gestion. Il était doué pour le calcul et adorait la mécanique des affaires. Il arrêtait ses décisions en fonction des chiffres, de la situation du marché et des opportunités financières. Il était dur quand il le fallait et charmant si cela était nécessaire pour convaincre quelqu’un. Pour lui, l’économie s’évaluait sur une feuille de calcul et il considérait le personnel comme l’un des nombreux pions à manipuler pour atteindre ses objectifs financiers. À ce jeu-là, il était très efficace.

Avant ce moment passé dans la cafétéria, il lui arrivait de prendre beaucoup trop aisément des décisions brutales. L’entreprise de Saint-Louis au nom imprononçable était criblée de dettes et proche du dépôt de bilan quand il en avait pris la direction en 1975, à la mort de son père. Et compte tenu de sa situation désastreuse, il avait fait ce que tout PDG responsable aurait fait dans son cas : il avait licencié autant qu’il le jugeait nécessaire pour atteindre son objectif financier, renégocié ses dettes, fait appel aux banques pour financer sa croissance et pris de gros risques. N’importe quel dirigeant de haut vol l’aurait compris. Ainsi l’entreprise était-elle lentement redevenue bénéficiaire.

Chapman sortit de la cafétéria et se dirigea vers sa première réunion, censée être une prise de contact initiale, une simple formalité. Il devait, en tant que nouveau PDG, se présenter à l’équipe du service clients, qui en retour devait le mettre au courant. Mais compte tenu de ce qu’il venait de voir, il se dit que son équipe et lui-même pourraient faire de l’entreprise un endroit où les gens aimeraient venir tous les jours. Il décida donc d’instaurer une ambiance où les gens penseraient pouvoir s’exprimer honnêtement et obtenir récompenses ou compliments en fonction de leurs progrès. Telle est la base de ce que Chapman appelle un leadership vraiment humain.

Quand ses collaborateurs doivent affronter des dangers venant de l’intérieur, l’organisation devient moins capable de se défendre contre les dangers venant de l’extérieur.

Un leadership vraiment humain protège l’organisation contre les rivalités internes susceptibles de détruire la culture d’entreprise. Quand nous devons nous protéger contre les autres, l’organisation entière en souffre. Mais quand la confiance et la coopération prospèrent en interne, nous tirons tous dans le même sens et l’organisation en devient plus forte.

Les systèmes de l’organisme humain sont presque tous destinés à nous aider à survivre et prospérer. Voici des milliers d’années, d’autres espèces d’hominidés ont disparu tandis que nous avons survécu… toujours et encore. Et bien que nous ne soyons pas très anciens sur la planète en comparaison d’autres espèces, nous sommes vite devenus l’animal le plus prospère et le seul incontesté sur Terre. Si prospères en fait que nos décisions affectent la capacité des autres animaux – et même des autres êtres humains – à survivre ou s’épanouir.

Nos systèmes internes, qui nous protègent du danger et nous incitent à réitérer des comportements quand nous y avons intérêt, réagissent aux environnements dans lesquels nous vivons et travaillons. Si nous percevons un danger, nous nous mettons sur la défensive. Si nous nous sentons en sécurité parmi les nôtres, au sein de notre tribu ou de notre entreprise, nous nous détendons et sommes plus ouverts à la confiance et à la coopération.

Une étude attentive des organisations très performantes, celles dans lesquelles les gens se sentent en sécurité quand ils arrivent au travail, révèle un fait étonnant : leur culture présente une ressemblance stupéfiante avec les conditions dans lesquelles l’animal humain a été fait pour fonctionner. Dans un monde hostile et concurrentiel où chaque groupe cherche à s’arroger des ressources limitées, les systèmes qui nous ont aidés à survivre et prospérer en tant qu’espèce aident les organisations à en faire autant. Foin de grandes théories du management et de recrutement d’équipes hors pair : il n’est question ici que de biologie et d’anthropologie. Si certaines conditions sont réunies et si les gens à l’intérieur d’une organisation se sentent en sécurité les uns avec les autres, ils travailleront ensemble pour accomplir des choses qu’aucun d’eux n’aurait pu accomplir seul. Et grâce à cela, leur organisation dominera ses concurrentes.

 C’est ce qu’a fait Chapman chez Barry-Wehmiller. Par hasard, ou presque, il a créé un contexte de travail et une culture d’entreprise qui, biologiquement, amènent les gens à donner le meilleur d’eux-mêmes. Chapman et ses pareils ne tentent pas de changer leurs salariés – ils cherchent à modifier les conditions dans lesquelles ceux-ci opèrent, à créer une culture qui incite les gens à se donner à fond simplement parce qu’ils aiment leur entreprise.

Ce livre tente de nous aider à mieux comprendre pourquoi nous agissons comme nous le faisons. Presque tous les systèmes de notre organisme sont apparus au cours de l’évolution pour nous aider à trouver de la nourriture, à rester en vie et à faire progresser notre espèce. Mais, pour une grande partie du monde et en tout cas dans l’ensemble du monde développé, trouver de la nourriture et éviter les dangers ne sont plus des préoccupations quotidiennes. Nous avons abandonné la chasse et la cueillette, au moins telles que les hommes des cavernes les pratiquaient. Dans notre monde moderne, la définition du succès repose sur la progression de carrière et la recherche du bonheur et de l’épanouissement. Pourtant, les systèmes internes qui guident nos comportements et nos décisions fonctionnent encore comme il y a des milliers d’années. Notre esprit primitif perçoit encore le monde qui nous entoure en termes de menaces contre notre bienêtre ou d’occasions de nous mettre en sécurité. Si nous comprenons comment ces systèmes fonctionnent, nous serons mieux à même d’atteindre nos buts. Simultanément, les groupes dans lesquels nous travaillons seront plus aptes à réussir et prospérer.

Hélas, dans notre monde moderne, compte tenu des systèmes mis au point pour gérer nos entreprises, seule une petite minorité d’organisations insufflent à leurs salariés l’envie de s’engager totalement. Dans la majorité des entreprises et organisations actuelles, les normes culturelles fonctionnent à rebours de nos inclinations biologiques naturelles. C’est-à-dire que les salariés heureux, inspirés et épanouis sont l’exception plutôt que la règle. Selon l’indice Deloitte Shift, 80 % des gens sont mécontents de leur emploi. Quand les gens n’ont même pas envie de travailler, le progrès impose des coûts et des efforts bien plus grands… et ne dure souvent pas. On ne prend même pas la peine d’évaluer le succès d’une entreprise à l’échelle des décennies : on ne s’intéresse toujours qu’aux prochains trimestres.

Une économie qui ne s’intéresse pas aux hommes, mais à l’argent et aux résultats immédiats, nuit à la société dans son ensemble. Quand le travail ne nous inspire ni bonheur ni sentiment d’appartenance, nous ramenons notre mal-être à la maison. Ceux qui ont la chance de travailler dans une organisation qui les traite comme des êtres humains à protéger, et non comme une ressource à exploiter, rentrent chez eux le soir avec un sentiment intense d’épanouissement et de gratitude. Cela devrait être la règle pour nous tous et non l’exception. Revenir du travail avec un sentiment d’inspiration, de sécurité, d’épanouissement et de gratitude est un droit naturel de l’homme, dont chacun devrait pouvoir jouir, et non un luxe moderne offert seulement à quelques-uns.

Pour transformer son entreprise, Chapman ne s’est pas contenté de faire « une seule chose ». Une série de petits gestes ont eu, à la longue, un retentissement spectaculaire sur le fonctionnement de l’ensemble. Une foule de petites choses, dont certaines ont bien fonctionné et d’autres moins, mais qui toutes visaient à accomplir ce que son instinct lui dictait. Ce n’est que des années plus tard, un jour de cérémonie, que Chapman a pu formuler en des termes plus clairs et plus humains ce qui avait guidé ses décisions. Étant donné son amour de l’entreprise et sa ténacité, ses explications risquent de vous surprendre.

L’énorme responsabilité

Sur les bancs d’une église, Chapman et sa femme assistaient à la célébration d’un mariage. Le fiancé, debout, regardait s’approcher sa promise. Leur amour mutuel était palpable. Tous les assistants pouvaient le ressentir. Alors, comme le dicte la tradition, le père confia sa fille, son bébé, à son futur mari.

« C’est cela ! », se dit Chapman. Un père qui ferait l’impossible pour protéger sa fille en transmet solennellement la responsabilité à un autre. Après avoir lâché sa main, il se retirera dans les travées, confiant que son nouveau mari la protègera comme lui auparavant. « C’est exactement pareil pour une entreprise », se dit Chapman.

Tout salarié est fils ou fille de quelqu’un. Comme un parent, le chef d’une entreprise est responsable de sa précieuse existence.

Tout salarié est fils ou fille de quelqu’un. Les parents travaillent pour offrir une vie agréable et une bonne éducation à leurs enfants, et pour leur enseigner des leçons qui les aideront à grandir afin qu’ils vivent heureux et confiants, et qu’ils puissent utiliser les talents qui leur ont été donnés. Les parents confient leurs enfants à une entreprise en espérant que les dirigeants de celle-ci montreront à leur égard autant de soin et d’amour. « Nous, entreprises, nous avons à présent la responsabilité de ces précieuses existences », dit Chapman, serrant les poings avec la conviction d’un prédicateur.

Voilà ce que signifie être un leader. Voilà ce que signifie construire une entreprise solide. Être un leader, c’est agir comme un père ou une mère, et entrer dans une entreprise est comme entrer dans une nouvelle famille. Une famille qui prendra soin des siens… dans la maladie comme dans la bonne santé. Et si le succès est au rendez-vous, le personnel brandira le nom de l’entreprise comme celui d’une famille à laquelle il est fidèle. Ceux qui travaillent chez Barry-Wehmiller disent qu’ils « aiment » l’organisation et leurs collègues. Ils arborent fièrement le logo ou le nom de l’entreprise comme s’il était le leur. Ils sont prêts à la défendre, ainsi que leurs collègues, comme leur propre chair. Et comme presque toujours dans ce genre d’organisation, le nom de l’entreprise est pour eux un symbole de leur propre identité.

Le paradoxe est qu‘en réalité, le capitalisme fonctionne mieux lorsque nous travaillons conformément à notre nature – quand le travail nous permet d’agir humainement. De ne pas simplement demander à nos salariés d’accomplir une tâche, mais de les inciter à la coopération, la confiance et la loyauté, de sorte qu’ils se dévouent à notre cause. De traiter les personnes comme des membres d’une famille et non comme de simples employés. De sacrifier les résultats aux gens plutôt que les gens aux résultats.

Les dirigeants des entreprises qui créent un cadre de travail mieux adapté à la nature humaine, au prix d’un sacrifice sur l’excellence ou sur les performances, ne le font pas simplement parce qu’ils donnent la priorité aux gens. Tout au contraire : leurs entreprises sont parmi les plus stables, les plus innovantes et les plus efficaces de leur industrie. Hélas, il est plus fréquent de voir les dirigeants considérer les hommes comme un simple moyen d’obtenir certains niveaux de résultat. À l’inverse, les leaders des entreprises d’élite ne considèrent pas les hommes comme une matière première utilisable pour gagner plus d’argent. Ils voient l’argent comme une matière première qui les aide à faire progresser les humains. C’est pourquoi les résultats comptent vraiment. Meilleurs ils sont, plus l’organisation a de carburant pour devenir plus grande et plus robuste, satisfaisant ainsi le cœur et l’âme de ceux qui y travaillent. En contrepartie, leurs collaborateurs font tout leur possible pour que l’organisation grandisse… grandisse… grandisse.

Il est fondamental de considérer l’argent comme subordonné aux hommes, et non l’inverse, si l’on veut créer une culture dans laquelle tout le monde tire spontanément dans le même sens pour faire avancer l’entreprise. Et il n’y a pas de succès stable et durable sans capacité à faire progresser son personnel. Ce n’est pas parce qu’un génie distille ses ordres depuis le sommet que les gens excellent. C’est parce que les gens excellent que leur dirigeant a l’air d’un génie.

Qu’on ne vienne pas m’accuser de fol idéalisme, d’imaginer un monde dans lequel les gens adoreraient aller au travail. Qu’on ne vienne pas m’accuser d’être déconnecté de la réalité si je crois en la possibilité d’un monde où la majorité des chefs d’entreprise font confiance à leurs collaborateurs et où la majorité des employés font confiance à leurs dirigeants. Il n’est pas question d’idéalisme, puisque ces organisations existent bel et bien.

De l’industrie manufacturière à la high-tech, du corps des Marines américains aux bureaux de l’administration publique, il existe des exemples éclatants de résultats positifs obtenus par des organisations dont les personnels veulent bien se traiter mutuellement non comme des adversaires, des concurrents ou des opposants, mais comme des alliés qui se font confiance. Nous affrontons bien assez de dangers externes ; à quoi bon y ajouter des ennemis internes ?

 Seuls 20 % des Américains « aiment » leur emploi. Chapman et ses semblables nous invitent à les suivre pour améliorer cette proportion. Reste à savoir si nous en avons le courage.

Nous devons bâtir davantage d’organisations qui donnent priorité aux êtres humains. En tant que dirigeants, il est de notre responsabilité de protéger nos collaborateurs ; en retour, ces derniers veilleront les uns aux autres et feront avancer l’organisation ensemble. En tant que salariés ou membres du groupe, à nous d’avoir le courage de prendre soin les uns des autres si les dirigeants ne le font pas. Et nous deviendrons ainsi les dirigeants que nous aurions souhaité avoir.

 

Imagine un monde où la confiance règne, où chaque individu sait qu’il peut compter sur les autres, où la coopération n’est pas un vain mot mais une réalité palpable. C’est ce que ce livre nous invite à découvrir.

Dans un récit captivant, l’auteur nous plonge d’abord dans une nuit de combat en Afghanistan, où un pilote, Johnny Bravo, met sa vie en jeu pour protéger des soldats au sol. Pourquoi agit-il ainsi, sans y être obligé ? Parce qu’il sait qu’ils auraient fait la même chose pour lui. Ce sens du devoir, ancré dans l’empathie et le leadership, est au cœur de toute organisation qui fonctionne véritablement.

Puis, nous voici plongés dans l’univers d’une entreprise où les employés sont traités comme des numéros. Jusqu’au jour où un leader visionnaire, Bob Chapman, décide de tout changer. Plus de pointeuses, plus de barrières entre ouvriers et cadres, plus de méfiance. Résultat ? Une transformation spectaculaire où l’humain prend enfin la place qu’il mérite.

Le message est clair : nous sommes biologiquement programmés pour fonctionner en tribu, protégés par un Cercle de sûreté. Lorsque ce cercle existe, les salariés donnent le meilleur d’eux-mêmes, sans stress destructeur ni rivalité toxique. Les organisations qui l’ont compris prospèrent, tandis que les autres s’épuisent dans la peur et le contrôle.

Nous croyons parfois que la sécurité financière est plus importante que le bonheur au travail. Or, les études prouvent que le stress d’un mauvais emploi est plus nocif que le chômage. Être ignoré par son manager tue la motivation, alors qu’un simple mot d’encouragement peut tout changer.

L’auteur ne prône pas un idéalisme naïf : il s’appuie sur des faits, des chiffres et des exemples concrets. Il nous montre que les entreprises les plus performantes ne sont pas celles qui pressent leurs employés, mais celles qui les protègent. Que les grandes réussites ne viennent pas de la compétition acharnée, mais de la coopération et de la confiance mutuelle.

Dans un style fluide et percutant, ce livre bouleverse nos certitudes et nous pousse à voir le travail autrement. Que tu sois dirigeant, manager ou simple salarié, tu en ressortiras transformé. Prêt à bâtir une culture d’entreprise plus humaine, plus forte, et surtout plus pérenne. Car au final, nous ne travaillons pas pour une entreprise, mais pour les gens qui nous entourent.

Tu trouveras ce livre sur le site Place des Libraires en identifiant une librairie près de chez toi, ou sur le site de la FNAC.

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