Pensez différemment !
Mick Fleetwood est l’un des batteurs de rock les plus célèbres et talentueux au monde. Son groupe, Fleetwood Mac, a vendu des dizaines de millions de disques. Leurs albums Fleetwood Mac et Rumours sont considérés comme des œuvres de génie par la critique. Pourtant, lorsque Mick était à l’école, ses notes laissaient supposer qu’il manquait d’intelligence, du moins selon les définitions communément admises.
« J’étais totalement nul à l’école, et personne ne comprenait pourquoi, m’a-t-il raconté. Je souffrais d’un trouble d’apprentissage, et c’est toujours le cas. Je ne pigeais rien aux maths. Absolument rien. Aujourd’hui encore, j’aurais bien du mal à réciter l’alphabet à l’envers ; j’ai déjà de la chance quand j’arrive à le dire rapidement à l’endroit sans me tromper. Si on me demandait “Quelle lettre précède celle-ci ?” j’en aurais des sueurs froides. »
Il garda un très mauvais souvenir de sa scolarité en pension en Angleterre. « J’avais des amis formidables, mais je n’étais pas heureux. J’avais l’impression d’être accablé. Je souffrais. Je n’avais pas la moindre idée de ce que j’étais censé devenir, car sur le plan scolaire c’était l’échec total, et je n’avais pas d’autre modèle de référence en dehors du cercle familial. »
Heureusement pour Mick – et tous ceux qui par la suite achetèrent ses albums ou assistèrent à ses concerts –, sa famille voyait au-delà de ce que l’école enseignait et évaluait. Son père était pilote de chasse dans la Royal Air Force. Mais, lorsqu’il quitta l’armée, il se consacra à sa véritable passion qui était l’écriture. Afin de réaliser ce rêve, il emménagea pour trois ans avec sa famille dans une péniche sur la Tamise, dans le Kent. La sœur de Mick, Sally, partit à Londres pour devenir sculpteur, tandis que sa sœur Susan fit carrière dans le théâtre. Dans la famille Fleetwood, tous comprenaient que l’intelligence pouvait prendre de nombreuses formes et qu’être nul en maths ou incapable de réciter l’alphabet à l’envers n’avait jamais condamné personne à rater sa vie.
Or Mick savait battre du tambour. « Savoir jouer du piano aurait sans doute été un signe plus flagrant de créativité, m’a-t-il confié. Mais tout ce que je voulais, c’était me défouler sur une percu ou le coussin d’une chaise. Cela ne témoignait pas vraiment de la plus haute créativité. Tout le monde en est capable. Cela n’avait rien de bien malin. Mais je me suis mis à tambouriner, ce qui s’est avéré décisif pour moi. »
L’épiphanie de Mick – le jour où son « tambourinage » devint l’impérieuse ambition de sa vie – survint lors d’une visite à Londres chez sa sœur, quand il se rendit dans un petit bar de Chelsea avec son pianiste. « Il y avait là des gens qui jouaient ce que je sais maintenant être du Miles Davis, et qui fumaient des Gitanes. En les regardant, je vis le début de cette autre vie dont l’atmosphère m’aspira. Je me sentais bien. Je n’étais pas enchaîné. C’était ça, mon rêve.
De retour à l’école, je me cramponnai à ces images et me mis à rêver de ma vie future. J’ignorais si je serais capable de jouer avec d’autres, mais cette perspective me sortait du marasme de cette école cauchemardesque. Je sentais une forte implication en moi, mais j’étais extrêmement malheureux parce qu’à l’école tout me montrait que j’étais bon à rien selon la norme établie. »
Les résultats scolaires de Mick continuèrent à déconcerter ses enseignants, qui savaient pourtant combien leur élève était intelligent. Mais ses notes disaient le contraire, si bien qu’ils ne pouvaient pas faire grand-chose. Tout cela était extrêmement frustrant pour ce garçon qui rêvait de devenir batteur. À l’adolescence, il finit par en avoir assez.
« Un jour, j’ai quitté la classe et je suis allé m’asseoir sous un grand arbre dans le parc. Bien que non-croyant, les larmes coulant sur mon visage, j’ai supplié Dieu de me laisser quitter cet endroit. Je voulais partir à Londres pour jouer dans un club de jazz. J’étais ridiculement naïf, mais je m’étais juré que je deviendrais batteur. »
Les parents de Mick avaient conscience que l’école n’était pas adaptée à son type d’intelligence. À 16 ans, l’adolescent leur parla de son intention d’arrêter ses études. Au lieu d’insister pour qu’il continue jusqu’à l’obtention de son diplôme, ils le mirent dans le train pour Londres avec une batterie et lui permirent de suivre son inspiration.
Puis se produisirent une série de « coups de bol » qui n’auraient jamais eu lieu si Mick était resté au lycée. Tandis qu’il travaillait sa batterie dans un garage, son voisin, un claviériste du nom de Peter Bardens, vint frapper à la porte. Mick crut que celui-ci venait râler pour le bruit, mais, au lieu de cela, le musicien l’invita à participer avec lui à un concert dans une maison de jeunes du quartier. Ce qui permit au jeune batteur de s’introduire au cœur de la scène musicale londonienne au début des années 1960. « Quand j’étais gamin, je n’avais pas l’impression de posséder le moindre talent. Là, je recevais les premiers signes qui me disaient : “C’est bien d’être ce que je suis et de faire ce que je fais.” »
Son ami Peter Green le proposa pour remplacer le batteur des Bluesbreakers de John Mayall. À différentes occasions, ce groupe accueillit Eric Clapton, Jack Bruce, de Cream, et Mick Taylor des Rolling Stones. Plus tard, Mick créa le groupe Fleetwood Mac avec Green et un autre membre des Bluesbreakers, John McVie. S’ensuivirent plusieurs disques primés et des stades à guichet fermé. Toutefois, même après être devenu l’un des batteurs les plus célèbres au monde, l’analyse que fait Mick de son talent reste encore marquée par l’école.
« Il n’y a pas une once de maths structurées dans mon style. Je me pétrifierais sur place si on me demandait ce qu’est une mesure à quatre-huit. Les musiciens avec qui je travaille savent que je suis comme un gamin. S’ils me disaient “Tu vois, au deuxième temps du refrain…”, je leur répondrais que je ne vois rien du tout, car je ne fais pas la différence entre un refrain et un couplet. Mais je le reconnaîtrais si vous jouez la chanson, rien qu’en écoutant les paroles. »
En quittant le système scolaire et les tests qui évaluent une part limitée de l’intelligence, Mick Fleetwood a pu faire une carrière extraordinaire. « Mes parents ont compris que cette drôle de petite créature ne trouverait certainement pas sa voie dans les études. » S’il l’a trouvée, c’est parce qu’il a compris intuitivement la formidable aptitude qu’il possédait, et qu’aucun test n’aurait pu révéler. Parce qu’il a refusé d’être « bon à rien selon la norme établie ».
Ne prenez pas tout pour argent comptant :
Pour trouver notre Élément, l’un des principes essentiels est de remettre en question les a priori que nous avons sur nos aptitudes et celles des autres. Mais ce n’est pas aussi simple que nous pourrions l’imaginer. Tout d’abord parce qu’il est difficile d’identifier ces idées reçues, puisque nous les considérons comme incontestables. Ces présupposés sont indissociables de notre logique. Nous ne les remettons pas en question car nous les considérons comme fondamentaux, ils font partie intégrante de notre vie. Tout comme l’air. Ou la gravité. Ou Marilyn Monroe.
Un bon exemple de présupposé que la plupart des gens prennent pour argent comptant est le nombre de sens dont nous disposons. Quand je l’explique en public, je propose parfois cet exercice simple. Je demande aux spectateurs combien de sens ils pensent avoir. La plupart répondent cinq – le goût, le toucher, l’odorat, la vue et l’ouïe. Certains suggèrent l’intuition comme sixième sens. Mais en général, personne ne va au-delà.
Cependant, il y a une différence entre les cinq premiers sens et le sixième. Les premiers sont tous associés à un organe précis – le nez pour l’odorat, les yeux pour la vue, les oreilles pour l’ouïe, etc. Si ces organes sont lésés de quelque manière que ce soit, le sens correspondant en pâtit. En revanche, il n’est pas évident de savoir quel organe génère l’intuition. Il s’agit d’une espèce de sens étrange dont les filles seraient davantage dotées. En somme, parmi tous les gens que j’ai interrogés au fil des années, la majorité pensent que nous avons cinq sens « véritables » et un sixième sens « étrange ».
L’anthropologue Kathryn Linn Geurts a écrit un livre passionnant intitulé Culture and the Senses, dans lequel elle présente ses recherches sur le peuple éwé qui vit dans le sud du Togo. Elle a appris en particulier que les Éwé n’envisageaient pas les sens comme nous. Tout d’abord, ils n’ont jamais pensé à les compter. Une telle idée leur semble hors de propos. De plus, quand l’anthropologue leur a énuméré nos cinq sens fondamentaux, ils ont demandé où était passé l’autre. Le sens principal. Ils ne parlaient pas d’un sens « étrange », ni d’un sens qui aurait subsisté chez eux et que nous aurions perdu. Ils faisaient allusion à un sens que nous possédons tous, et qui est essentiel à notre fonctionnement. Ils désignaient le sens de l’équilibre.
Ce sens est transmis par les fluides et le labyrinthe osseux de l’oreille interne. Il suffit de penser aux conséquences que peut avoir l’altération de ce sens pour se faire une idée de son importance dans notre vie quotidienne. Pourtant, rares sont les gens qui pensent à l’inclure dans la liste des sens. Non parce qu’ils seraient dépourvus du sens de l’équilibre, mais parce qu’ils sont tellement habitués à l’idée de posséder cinq sens (et éventuellement un sixième bizarre) qu’ils ont cessé de penser à celui-ci.
L’un des ennemis de la créativité et de l’innovation – notamment par rapport à notre propre développement – est la certitude.
Les physiologistes s’accordent à dire que, outre les cinq sens que nous connaissons tous, il en existe quatre autres.
Le premier est la perception de la température, ou thermoception. Il se distingue du toucher, car nous n’avons pas besoin de poser la main sur quoi que ce soit pour avoir chaud ou froid. Ce sens est crucial, car nous pouvons survivre seulement dans une gamme de températures relativement restreinte. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous portons des vêtements… L’une d’entre elles.
Le deuxième est la perception de la douleur, ou nociception. Aujourd’hui, les scientifiques reconnaissent qu’il s’agit d’un système sensoriel différent de ceux du toucher ou de la thermoception. Il semble aussi que des systèmes distincts ressentent les douleurs provenant de l’intérieur de notre corps et de l’extérieur.
Vient ensuite le sens vestibulaire, ou équilibrioception, qui inclut notre perception de l’équilibre et de l’accélération.
Enfin, il y a le sens kinesthésique, ou proprioception, qui nous permet de connaître la position de nos membres et du reste de notre corps dans l’espace et les uns par rapport aux autres. Il est indispensable pour se lever, se déplacer et aller et venir.
C’est grâce à tous ces sens que nous avons l’impression de faire partie du monde et que nous sommes capables de fonctionner en son sein.
Tout le monde ne considère pas son sens de l’équilibre comme banal. Voyez Bart, par exemple. Né à Morton Grove, dans l’Illinois, il ne fut pas un bébé particulièrement actif. Mais, vers l’âge de 6 ans, il se mit à faire quelque chose de très inhabituel, marchant sur les mains presque aussi bien que sur les pieds. Sa performance n’était pas des plus élégante mais elle lui valait bien des sourires, des éclats de rire et l’approbation de sa famille. Quand des invités venaient à la maison, et lors des fêtes familiales, on demandait à Bart de faire son fameux numéro. Sans se faire prier – car enfin, il aimait autant le réaliser que l’attention que cela lui valait –, le garçon posait les mains au sol, se dressait dessus et se dandinait fièrement les pieds en l’air. Plus tard, il s’exerça même à monter et à descendre les escaliers sur les mains.
Certes, tout cela n’avait guère d’intérêt pratique. Son talent ne se monnayait ni à l’école (par de meilleures notes), ni à l’extérieur. Néanmoins, il lui valut une grande popularité – un ami sachant grimper les escaliers la tête en bas était toujours amusant à avoir près de soi.
Puis un jour, alors qu’il avait 10 ans, son professeur d’éducation physique à l’école primaire l’emmena dans un club de gymnastique avec l’accord de sa mère. Lorsqu’il entra dans la salle, Bart écarquilla les yeux. Il n’avait jamais rien vu d’aussi merveilleux de toute sa vie. Il y avait des cordes, des barres parallèles, des trapèzes, des espaliers, des trampolines, des cheval-d’arçons – toutes sortes d’agrès sur lesquels il pouvait grimper, sauter et virevolter. Il lui semblait visiter à la fois l’atelier du père Noël et Disneyland. Le lieu idéal. À ce moment précis, sa vie changea de cap. Tout à coup, ses capacités innées ne servaient plus uniquement à s’amuser et à divertir les autres.
Huit ans plus tard, après d’innombrables heures passées à sauter, s’étirer, voltiger et soulever des haltères, Bart Conner fit son entrée sur le tapis des Jeux olympiques à Montréal pour représenter les États-Unis d’Amérique. Il devint le gymnaste masculin le plus récompensé de son pays et le premier Américain à remporter des médailles à tous les niveaux de compétition nationaux et internationaux. Il fut champion des États-Unis, de la NCAA (National Collegiate Athletic Association), des Jeux panaméricains, de la Coupe du monde et des Jeux olympiques. Il fit partie de l’équipe olympique en 1976, en 1980 et en 1984. Lors d’une performance légendaire aux jeux de Los Angeles en 1984, il fit un retour spectaculaire après une déchirure du biceps en remportant deux médailles d’or. En 1991, il entra au U.S. Olympic Hall of Fame, puis en 1997 au Temple international de la renommée de la gymnastique.
Aujourd’hui, Conner suscite la passion de la gymnastique chez d’autres. Il dirige une école en plein essor avec sa femme, la championne olympique Nadia Comaneci. En outre, le couple possède la revue International Gymnast ainsi qu’une société de production TV.
Quel est votre niveau d’intelligence ?
Souvent, je demande aussi à mon auditoire d’évaluer leur intelligence sur une échelle de 1 à 10.
Il est intéressant de constater que la plupart des gens lèvent effectivement la main pour évaluer leur intelligence. Ils ne semblent pas voir le moindre problème dans la question posée, et sont tout à fait prêts à se situer quelque part sur l’échelle proposée. Seuls quelques-uns ont voulu des précisions sur la formulation de la question en me demandant ce que je voulais dire par « intelligence ». Or, selon moi, tout le monde aurait dû réagir ainsi. Je suis convaincu que c’est en grande partie parce qu’ils prennent la définition communément admise de l’intelligence pour argent comptant que tant de gens sous-estiment leurs véritables capacités intellectuelles et ne parviennent pas à trouver leur Élément.
Cette idée préconçue veut en quelque sorte que nous soyons tous nés avec un niveau d’intelligence déterminé. Il s’agit d’une caractéristique propre, à l’instar des yeux bleus ou des longues jambes. L’intelligence se manifeste dans certains types de domaines, notamment les mathématiques et le langage. Donc, on peut quantifier l’intelligence de chacun grâce à des tests écrits sous forme de note chiffrée. Un point, c’est tout !
C’est globalement celle qui prévaut dans la majeure partie de la culture occidentale ainsi qu’une bonne part de la culture orientale. Elle est au cœur de nos systèmes éducatifs et justifie la plupart des organismes d’évaluation, qui soutirent des milliards de dollars à l’enseignement public dans le monde entier. Elle est au cœur de la notion de capacité intellectuelle, elle règne en maître sur les examens d’entrée à l’université, elle sous-tend la hiérarchie des matières dans l’enseignement, et elle est à la base de l’idée du QI.
L’ironie veut qu’Alfred Binet, l’un des créateurs de l’échelle métrique de l’intelligence qui fut à l’origine du QI, l’ait mise au point dans le but opposé. En effet, il conçut initialement cet outil à la demande du gouvernement français afin de repérer les enfants qui avaient des besoins spécifiques, de manière à leur proposer une forme d’enseignement appropriée. À aucun moment il ne le destina à évaluer le degré d’intelligence ou « niveau mental ». Le psychologue fit d’ailleurs remarquer que l’échelle qu’il avait établie ne permettait « pas à proprement parler la mesure de l’intelligence, car les qualités intellectuelles ne se mesurent pas comme des longueurs, elles ne sont pas superposables ».
Quelle est votre forme d’intelligence ?
Il y a une grande différence entre ces deux questions. La première sous-entend qu’il existe un moyen rigoureux d’évaluer l’intelligence de chacun, que l’on peut réduire à un chiffre ou à un quotient. La seconde suggère une vérité que nous ne reconnaissons pas à sa juste valeur – à savoir qu’il y a diverses manières de faire preuve d’intelligence, et qu’aucune échelle ne pourra jamais le mesurer.
La nature de l’intelligence a toujours fait l’objet de controverses, notamment parmi les nombreux spécialistes qui passent leur vie à y réfléchir. Ils ne sont d’accord ni sur ce qu’est l’intelligence, ni sur les profils des personnes, ni sur la quantité d’intelligence existante.
Ainsi, le psychologue Howard Gardner, de l’université de Harvard, a affirmé que nous ne possédions non pas une, mais de multiples intelligences – notamment langagière, musicale, logico-mathématique, spatiale, kinesthésique, interpersonnelle (relation aux autres) et intrapersonnelle (connaissance de soi-même). Selon lui, ces formes d’intelligence sont plus ou moins indépendantes les unes des autres. Aucune d’elles n’est plus importante, quoique certaines puissent être « dominantes » et d’autres « latentes ». Il estime que nous avons tous différentes aptitudes pour chaque type d’intelligence et que l’éducation devrait les traiter à égalité afin que tous les enfants aient l’opportunité de développer leurs propres capacités.
Robert Sternberg, professeur de psychologie à l’université Tufts et ancien président de l’American Psychological Association, critique depuis longtemps les tests d’intelligence et le QI. Selon lui, il existe trois types d’intelligence : l’intelligence analytique – capacité à résoudre des problèmes de manière académique et à réussir les tests de QI traditionnels ; l’intelligence créative – capacité à affronter des situations nouvelles et à trouver des solutions originales ; et l’intelligence pratique – capacité à gérer les problèmes et défis de la vie quotidienne.
Dans ses livres, le psychologue et auteur à succès Daniel Goleman a distingué l’intelligence émotionnelle de l’intelligence sociale, toutes deux essentielles pour vivre en harmonie avec soi-même et le monde qui nous entoure.
Robert Cooper, auteur de The Other 90%, soutient que nous ne devrions pas penser à l’intelligence comme à un processus se déroulant uniquement dans le cerveau qui se trouve à l’intérieur de notre crâne. Il distingue le « cerveau du cœur » et le « cerveau viscéral ». Selon lui, lorsque nous vivons un événement, celui-ci ne va pas directement au cerveau crânien, il parcourt d’abord les réseaux neurologiques de l’intestin et du cœur. Cooper décrit le système nerveux entérique comme un « second cerveau » à l’intérieur des intestins, qui est « à la fois indépendant et relié au cerveau crânien ». Voilà pourquoi nous parlons de « réaction viscérale ». Que nous l’admettions ou non, cette dernière détermine tous nos actes.
La vie de tous les jours montre clairement que l’intelligence humaine présente de multiples facettes. Il suffit d’observer la richesse et la complexité extraordinaires de la culture humaine et de ses réalisations. Que nous puissions un jour rendre compte de tout cela en une unique théorie de l’intelligence – reposant sur trois, quatre, cinq, voire huit catégories distinctes – est l’affaire des théoriciens.
En attendant, une vérité fondamentale sur l’intelligence humaine se manifeste partout : nous avons autant de manières de « penser » aux expériences que nous rencontrons que de manières de les vivre. En outre, il est évident que nous possédons tous des atouts et aptitudes naturelles différents.
Alexis Lemaire, un jeune doctorant français spécialisé en intelligence artificielle. En 2007, il battit le record mondial de calcul mental en trouvant la racine treizième d’un nombre aléatoire de 200 chiffres en 72,4 secondes ! Si, comme c’était mon cas, vous ne voyez pas très bien ce que cela veut dire, laissez-moi vous expliquer. Alexis se trouvait devant un écran qui affichait un nombre de 200 chiffres généré de manière aléatoire par l’ordinateur. Ce nombre gigantesque occupait plus de 17 lignes à l’écran.
Alexis devait calculer mentalement la racine treizième de ce nombre, c’est-à-dire trouver le nombre qui, multiplié 13 fois par lui-même, donnerait le nombre affiché à l’écran. Il regarda fixement l’écran sans un mot, puis annonça la bonne réponse : 2 397 207 667 966 701. Rappelez-vous qu’il fit cela de tête. En 72,4 secondes.
Le jeune Français réalisa cet exploit au New York Hall of Science après plusieurs années d’entraînement. Jusque-là, son meilleur temps était seulement de 77 secondes. Le mathématicien confia ensuite à la presse : « Le premier chiffre est très facile, le dernier aussi, mais entre les deux c’est extrêmement difficile. J’utilise un système d’intelligence artificielle que j’applique dans ma tête au lieu de le faire dans un ordinateur. Je crois que la plupart des gens peuvent le faire, mais j’ai un cerveau qui fonctionne vite, parfois très très vite. […] Pour améliorer mes compétences, j’utilise une méthode qui me permet de me comporter comme un ordinateur. C’est comme si je faisais tourner un programme dans ma tête pour contrôler mon cerveau.
« Parfois, quand je multiplie de tête, poursuit-il, mon cerveau travaille tellement vite que je dois prendre des médicaments. Je pense qu’une personne dotée d’un cerveau moins rapide serait également capable de faire ce genre de multiplications, mais c’est sans doute plus facile pour moi qui vais plus vite. » Alexis s’exerce assidûment. Pour pouvoir calculer plus rapidement, il s’entraîne, ne boit ni café ni alcool, évite les aliments sucrés ou gras. Son activité mentale est si intense qu’il doit se reposer régulièrement pour ménager son cerveau. Selon lui, un excès de calcul mental pourrait nuire à sa santé et à son cœur.
Curieusement, Alexis n’était pas particulièrement bon en maths quand il était à l’école. Il n’était pas le meilleur de sa classe, et il se forma essentiellement par lui-même avec des livres.
Les trois caractéristiques de l’intelligence humaine :
L’intelligence de l’homme semble avoir au moins trois caractéristiques principales. La première est son extraordinaire diversité. De toute évidence, elle ne se limite nullement à la capacité de procéder à des raisonnements verbaux et mathématiques. Ces compétences sont importantes, mais elles ne représentent que l’une des manières dont l’intelligence se manifeste.
Gordon Parks est un photographe légendaire, qui témoigna de la vie des Noirs américains comme peu d’autres l’avaient fait auparavant. Il fut le premier Afro-Américain à produire et à réaliser un film d’importance à Hollywood. Il contribua à la création de la revue Essence, dont il fut le rédacteur en chef pendant trois ans. Également poète, romancier de talent et brillant compositeur, il créa sa propre notation musicale.
Et il ne suivit pas la moindre formation dans aucun de ces domaines.
De fait, Gordon Parks n’alla guère plus loin que le collège. À la suite du décès de sa mère alors qu’il avait 15 ans, il se retrouva à la rue et ne put terminer ses études. Qui plus est, le peu de scolarité dont il bénéficia fut décourageant. Il raconta souvent comment l’une de ses enseignantes avait déclaré à toute sa classe qu’aller à l’université ne leur servirait à rien puisqu’ils étaient destinés à devenir des porteurs et des femmes de ménage…
Néanmoins, Parks tira parti de son intelligence comme nul autre. Il apprit tout seul à jouer du piano, ce qui lui permit tout d’abord de survivre. Quelques années plus tard, il acheta un appareil photo chez un prêteur sur gages et apprit seul à s’en servir. Pour ce qui est du cinéma et de l’écriture, ses connaissances résultèrent essentiellement de son sens de l’observation, de son intense curiosité intellectuelle et de sa capacité sans pareille à comprendre et à examiner la vie des gens.
« J’allais toujours de l’avant, déclara-t-il lors d’un entretien à la Smithsonian Institution, et j’ai été extraordinairement tenace dans mes débuts en photographie. Je me suis rendu compte que j’aimais ça, et je me suis investi à fond. À l’époque, ma femme était plutôt contre, et ma belle-mère, comme toutes les belles-mères, y était opposée. Mais j’ai mis le pognon qu’il fallait pour m’acheter quelques appareils. Voilà en gros comment ça s’est passé. Ça m’intéressait énormément, alors j’ai bossé dur et j’ai frappé à toutes les portes, en cherchant les encouragements où je pouvais.
« Ma vie est une sorte de rêve décousu, confia-t-il lors d’une interview à la télévision américaine. Des choses me sont arrivées – incroyables. C’est tellement décousu. Mais tout ce que je sais, c’est que c’était un effort de tous les instants, le sentiment permanent que je ne devais pas échouer. »
Gordon Parks a énormément contribué à la culture américaine. Avec ses clichés caustiques, en particulier American Gothic, où l’on voit une femme noire poser entre un balai et une serpillière sur fond de drapeau américain. Avec ses films inspirés, comme Shaft, les nuits rouges de Harlem, qui introduisit les héros noirs dans les films d’action hollywoodiens et connut un grand succès. Avec sa prose peu conventionnelle. Et avec son œuvre musicale à nulle autre pareille.
J’ignore s’il n’a jamais passé un test standardisé ou un examen d’entrée à l’université. Eu égard à son manque d’éducation traditionnelle, il y a de fortes chances pour qu’il n’ait pas obtenu de résultats mirobolants. Il est toutefois intéressant de savoir que, sans avoir terminé ses études secondaires, il fut nommé docteur honoris causa à quarante reprises – dédiant même l’une de ces distinctions à l’enseignante qui s’était montrée si dédaigneuse au lycée. Quelle que soit la définition du mot retenue, Gordon Parks était remarquablement intelligent – un être humain exceptionnel doté d’une mystérieuse aptitude à apprendre et à maîtriser des formes d’expression artistique complexes et nuancées.
Je peux seulement supposer que Parks se considérait comme intelligent. Toutefois, s’il ressemble à tant d’autres personnes que j’ai rencontrées lors de mes déplacements, il se peut que son manque d’éducation classique l’ait incité à se situer bien en dessous, malgré ses dons multiples et flagrants.
La diversité de l’intelligence est l’une des bases fondamentales de l’Élément. Si vous ignorez le fait que vous envisagez le monde de multiples manières, vous réduisez singulièrement vos chances de trouver la personne que vous étiez destiné à devenir.
La deuxième caractéristique de l’intelligence est son extrême dynamisme. Le cerveau humain est extraordinairement interactif. À chaque tâche que vous effectuez, vous sollicitez un grand nombre de ses zones. C’est en exploitant ce dynamisme, c’est-à-dire en établissant de nouvelles relations entre les choses, que surviennent les véritables découvertes.
Ainsi, Albert Einstein exploita énormément le caractère dynamique de l’intelligence. Ses prouesses scientifiques sont légendaires. Cependant, il étudia toutes sortes de formes d’expression, persuadé qu’il pouvait tirer profit de diverses manières de tout ce qui défiait l’esprit. Par exemple, il interrogea des poètes afin d’en savoir plus sur le rôle de l’intuition et de l’imagination.
Dans sa biographie d’Einstein, Walter Isaacson raconte : « À l’école, il ne fut jamais bon pour l’apprentissage par cœur. Et plus tard, en tant que théoricien, sa réussite vint non pas de la puissance de traitement de son cerveau, mais de son imagination et de sa créativité. Il était capable de poser des équations complexes, mais, plus important encore, il savait que les mathématiques sont le langage que la nature utilise pour décrire ses prodiges. »
Lorsqu’il se trouvait déconcerté face à un problème, Einstein se tournait souvent vers le violon pour trouver une solution. Un de ses amis a confié à Isaacson : « Il jouait souvent du violon tard le soir dans sa cuisine, improvisant des mélodies tout en réfléchissant à des problèmes complexes. Soudain, au beau milieu d’une phrase musicale, il s’écriait tout excité : “J’ai trouvé !” Telle une inspiration soudaine, la solution lui venait avec la musique. »
Manifestement, Einstein avait compris que le développement intellectuel et la créativité nécessitent de tirer parti de la nature dynamique de l’intelligence. La révélation survient par le biais de l’analogie, en observant comment les choses se relient et non en quoi elles se distinguent. Assurément, les épiphanies rapportées dans cet ouvrage montrent que le moment où tout s’éclaire survient lorsqu’on découvre de nouvelles relations entre les événements, les idées et les situations.
La troisième caractéristique de l’intelligence est sa spécificité : chaque individu a la sienne, à l’instar des empreintes digitales. Il peut exister sept, dix ou cent formes différentes d’intelligence, mais chacun de nous les utilise de manière distincte.
Ce qui nous ramène à la question posée plus haut : « Quelle est votre forme d’intelligence ? » Sachant que l’intelligence est diverse, dynamique et individuelle, vous pouvez maintenant envisager autrement cette question, qui est essentielle pour la recherche de votre Élément. Car, dès lors que vous faites voler en éclats vos idées préconçues sur l’intelligence, vous pouvez commencer à appréhender la vôtre de manière différente. L’intelligence d’un individu ne peut se réduire à une unique note sur une échelle linéaire. Et jamais deux personnes obtenant la même note ne réaliseront des prouesses identiques, ne partageront exactement les mêmes passions ni ne feront la même chose de leur vie. Pour trouver votre Élément, vous devez vous autoriser l’accès à toutes les manières dont vous ressentez le monde, et découvrir où se cachent vos véritables atouts.
Mais surtout, ne les sous-estimez pas.
Dans L’élément, Ken Robinson nous invite à redécouvrir ce qui fait vibrer notre âme : l’endroit où nos talents naturels et nos passions se rejoignent. C’est ici que la magie opère, où la vie devient fluide, épanouissante, et pleine de sens. Robinson nous montre à travers des récits inspirants de personnalités, mais aussi de personnes anonymes, comment chacun peut trouver son Élément, cette étincelle intérieure qui transforme notre existence.
Imaginez une vie où chaque jour, vous faites ce que vous aimez tout en étant doué·e pour cela. Ce n’est pas un rêve, c’est une réalité possible. Mais pour cela, il faut dépasser les limites que l’éducation traditionnelle et la société nous imposent, ces mêmes barrières qui étouffent la créativité et nous éloignent de notre vraie nature.
Robinson illustre à merveille que trouver son Élément est souvent une aventure imprévisible, remplie de surprises et de défis. Il démontre également que ce voyage est unique pour chacun·e. Parfois, cela demande de trouver sa “tribu”, ces personnes qui partagent les mêmes passions, qui nous soutiennent et nous encouragent à être nous-mêmes.
Avec L’élément, vous êtes invité·e à découvrir une nouvelle perspective, à libérer votre potentiel et à vivre une vie en pleine harmonie avec ce qui vous anime profondément. Ce livre est un guide puissant vers la découverte de soi et une vie pleine de créativité. Alors, êtes-vous prêt·e à explorer votre Élément ?
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Les extraits que je vous partage sont ceux qui m’ont parlé lors de la lecture du livre.
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