Équipe souriante pointant vers l'appareil photo.

Les vrais leaders se servent en dernier – Simon Sinek – Quand les chiffres effacent l’humain : comprendre et gérer l’abstraction

Chapitre 15 – Gérer l’abstraction

 Les personnes ne sont pas des nombres

« La mort d’un homme est une tragédie, un million de morts est une statistique », disait, paraît-il, Joseph Staline. Staline était fort en statistiques. Secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique de 1922 à 1952, il est considéré comme responsable de la mort de millions de gens, pour la plupart citoyens soviétiques. À l’instar de bien d’autres dictateurs, il pratiquait le culte de la personnalité, agissait avec une brutalité extrême, faisait confiance à très peu de gens et était très, très paranoïaque. Mais il était absolument dans le vrai quant à notre manière de percevoir une tragédie qui tue une personne plutôt que des centaines, des milliers ou des millions de gens.

Les deux histoires suivantes vous montreront ce que je veux dire. Elles sont rigoureusement authentiques.

Premier cas

Tandis que je rédigeais ce livre, la Syrie était déchirée par un conflit qui était, à l’origine, une guerre civile. Le Printemps arabe avait déferlé sur la région ; à son tour, le peuple syrien s’était soulevé contre la dictature de Bachar el-Assad, arrivé au pouvoir en 2000 à la mort de son père, Hafez el-Assad, disparu après vingt-neuf ans d’un règne tout aussi brutal. En plus de quarante ans, deux générations de Syriens, hommes et femmes, n’avaient rien connu d’autre que le pouvoir des Assad. Mais nous vivons dans un monde de médias, et malgré les efforts du gouvernement syrien pour passer sous silence les soulèvements dans les pays voisins, l’information s’était quand même répandue. Cependant, au contraire du soulèvement pacifique de Tunisie, la rébellion syrienne fut réprimée avec une extrême brutalité par le gouvernement Assad.

L’opinion mondiale ne leva pas le petit doigt contre ce régime qui écrasait de toute la puissance de son armée une rébellion inorganisée et mal équipée. Selon les estimations des Nations Unies à la date de la rédaction de ce livre, plus de 100 000 Syriens auraient été tués par l’armée de leur pays, dont près de 1 500 au cours d’une seule attaque chimique. Parmi eux, beaucoup de civils innocents.

Deuxième cas

Une jeune fille de 18 ans gisait au milieu d’une rue de San Clemente, en Californie. Elle avait été renversée par une voiture conduite par une adolescente de 17 ans. Inconsciente, une jambe brisée formant un angle aberrant, elle était dans un état grave. Cami Yoder, réserviste de l’armée passait là par hasard, et s’arrêta pour voir si elle pouvait aider. Elle s’agenouilla auprès de la victime pour l’examiner. La jeune fille ne respirait plus et son pouls était à peine perceptible. Cami entama aussitôt un massage cardiaque et un bouche-à-bouche pour essayer de la maintenir en vie. Une ambulance ne tarda pas à arriver et les secouristes prirent le relais. Une fois l’état de la jeune femme stabilisé, ils la conduisirent à l’hôpital.

Quelques jours après cet incident, Cami voulut savoir comment allait la jeune fille. Elle trouva un article en ligne et découvrit ce qui s’était passé. La blessée était morte. Cette jeune femme qui avait tout l’avenir devant elle n’était plus.

Laquelle de ces deux histoires éveille les sentiments les plus forts : la première ou la seconde ? L’histoire de dizaines de milliers de gens abattus par leur propre armée alors qu’ils manifestaient dans une intention noble n’a pas sur nous le même impact psychologique que l’histoire d’une seule personne. Nous déplorons la mort d’une jeune femme avec une empathie dont nous sommes apparemment incapables à propos de milliers de personnes, femmes et enfants compris, disparus de manière tout aussi absurde et encore plus brutale.

C’est l’un des inconvénients de l’utilisation des nombres pour représenter des gens. À partir d’un certain point, les nombres se dissocient des humains et deviennent seulement des suites de chiffres, dépourvus de signification. Nous sommes des animaux à préférence visuelle. Nous nous intéressons à ce que nous voyons. Si une personne est dans le besoin, nous pouvons accourir à son aide. S’il nous est proposé une vision claire d’un avenir plus brillant que le monde d’aujourd’hui, nous pouvons agir pour le bâtir. Quant à augmenter une quantité indiquée sur un compteur, nous pouvons le faire aussi. Mais si nous ne pouvons voir concrètement que des chiffres, nous avons du mal à percevoir l’effet lointain que nos décisions pourraient avoir.

Représenter de l’argent ou des produits par de grands nombres est une chose. Mais, comme Staline l’a bien dit, quand les grands nombres représentent des êtres humains, notre capacité d’empathie commence à s’étioler. Si votre sœur, qui gagne le pain quotidien de sa famille, perd son emploi, cela aura un effet significatif sur la vie de votre nièce et de votre neveu. Ce sera très dur psychologiquement pour elle, pour ses enfants et probablement pour vous aussi. Mais le licenciement de quatre mille personnes, décidé à partir d’un calcul sur un tableur dans une grande entreprise, cesse d’être tangible ; il devient un acte de gestion nécessaire pour atteindre certains objectifs. Les chiffres ne représentent plus des gens qui font vivre des familles mais simplement des abstractions dans le calcul.

Qu’on soit homme politique ou collaborateur d’une entreprise, le mieux qu’on puisse faire pour être vraiment être utile à son entourage est peut-être de connaître ses membres personnellement. Les connaître tous serait impossible, mais savoir le nom et la vie de quelqu’un qu’on tente d’aider avec un produit, un service ou une décision a un énorme effet. Au moment où l’on parvient à rendre tangible ce qui était précédemment un rapport ou un graphique, lorsqu’une statistique ou un sondage devient une personne en chair et en os, et que l’on comprend que des concepts abstraits ont des conséquences humaines, à ce moment-là, on acquiert une capacité remarquable à résoudre des problèmes et à innover.

Règle 1. Préservez le réel – rassemblez les gens

Comme si l’abstraction induite par les chiffres et le gigantisme ne suffisait pas, ceux qui tentent de diriger une organisation affrontent aujourd’hui une complication supplémentaire due au monde virtuel. L’internet est presque terrifiant. Il apporte la possibilité de fonctionner à grande échelle ou de diffuser des idées à tout le monde, y compris pour les petites entreprises ou les mouvements sociaux. Il permet de trouver des gens et de les contacter plus facilement. Il accélère le rythme des transactions commerciales avec une efficacité incroyable. Tout cela est bon. Mais, de même que l’argent a été créé pour accélérer et simplifier les transactions en remplaçant le troc par des paiements, nous utilisons souvent l’internet pour accélérer et simplifier notre communication et nos relations. Or, de même que l’argent ne peut acheter l’amour, l’internet ne peut acheter des relations profondes et confiantes. Ce qui est quelque peu difficile à admettre tant les relations que nous formons en ligne sont ressenties comme réelles.

Car des bouffées de sérotonine peuvent nous parvenir quand les gens « aiment » nos photos, nos pages ou nos posts, ou quand nous constatons que nous montons dans les classements (vous savez combien la sérotonine aime les classements). Le sentiment d’admiration associé à des « j’aime » virtuels ou à un nombre d’abonnés n’est pas semblable à celui des enfants pour leurs parents ou des sportifs pour leur entraîneur. C’est simplement un affichage public qui n’impose aucun sacrifice – un symbole de statut social d’un nouveau genre, si vous voulez. En bref, ce « j’aime » a beau avoir l’air réel, la relation demeure virtuelle. Des relations peuvent certainement naître en ligne, mais elles ne deviennent réelles que s’il y a rencontre personnelle.

Songez au rôle de Facebook et autres outils de communication en ligne dans le harcèlement entre adolescents. Un quart des adolescents américains disent avoir été victimes de « cyberharcèlement ». Il s’avère que l’abstraction peut conduire les gens à des comportements odieux, à agir comme s’ils n’étaient pas responsables. Une communauté en ligne donne aux timides une possibilité de se faire entendre, mais le revers de la médaille est qu’elle permet à certains des dérapages qu’ils auraient probablement évités dans la vraie vie. En ligne, les gens se disent des horreurs qu’ils n’auraient probablement jamais dites en personne. La possibilité de se tenir à distance, ou même dans un complet anonymat, a rendu plus facile de cesser de se comporter comme devrait le faire un humain : avec humanité. Et si les rencontres en ligne peuvent inspirer des sentiments positifs, ceux-ci, au contraire des vraies amitiés fondées sur l’affection et la confiance, ne durent guère au-delà de la déconnexion et ne résistent quasiment jamais à l’épreuve du temps.

La controverse n’est jamais loin quand je dis que les médias sociaux, malgré leurs avantages, sont moins efficaces que le contact humain réel pour tisser des liens de confiance solides. Les zélateurs des médias sociaux m’assurent qu’ils se sont fait quantité de bons amis en ligne. Mais si les médias sociaux sont l’alpha et l’oméga, pourquoi plus de trente mille blogueurs et podcasteurs se rendent-ils chaque année à Las Vegas pour l’énorme congrès BlogWorld ? Pourquoi ne se rencontrent-ils pas en ligne ? Parce rien ne peut remplacer les contacts directs pour des animaux sociaux tels que nous. Un concert vécu est meilleur que son DVD et assister à un match de football n’est pas comme le voir à la télévision, même si on le voit mieux à la télévision. Nous aimons nous trouver parmi des gens qui nous ressemblent. Cela nous apporte un sentiment d’appartenance. C’est pour cela aussi qu’une vidéoconférence ne remplace jamais un voyage d’affaires. La confiance ne se forme pas de part et d’autre d’un écran mais de part et d’autre d’une table. Il faut une poignée de main pour lier les humains… et aucune technologie à ce jour ne remplace cela. La confiance virtuelle, ça n’existe pas.

Sur le site web de NMX (nom officiel du BlogWorld) figure une vidéo promotionnelle où des gens expliquent pourquoi ils aiment participer à cette manifestation. « Partager des idées » revient souvent. « Rencontrer beaucoup de gens différents », « réunir tout le monde » et « rencontrer des gens qui font la même chose que moi, qui suivent le même parcours » sont aussi des thèmes fréquents. Et voici ma formule favorite, due à un lecteur assidu d’un grand nombre de blogueurs présents au congrès : « J’ai pu leur serrer la main et c’était formidable ! » Même les blogueurs apprécieront certainement ce paradoxe : les champions de la blogosphère se réunissent pour se voir de visu et discuter ensemble de la suprématie de la blogosphère.

Le sentiment d’appartenance, la confiance et la capacité de compassion naissent du contact humain « pour de vrai ». De là vient l’innovation. C’est pourquoi les télétravailleurs n’éprouvent jamais le sentiment de faire partie d’une équipe aussi fortement que ceux qui vont au travail tous les jours. On aura beau multiplier les courriers électroniques envoyés ou reçus, veiller avec soin à les maintenir dans le circuit, il leur manque le temps social, les silences, les nuances… l’humanité d’autres présences. Pourtant, que faisons-nous quand les temps sont durs, au moment où nous aurions le plus besoin de bonnes idées ? Nous renonçons aux congrès et aux voyages d’affaires car les vidéoconférences et les webinaires coûtent moins cher. Peutêtre. Mais à court terme seulement. Les médias sociaux sont encore relativement nouveaux : les effets à long terme de cette déshumanisation restent mal connus. Nous ressentons aujourd’hui les effets de politiques et de pratiques des années 1980 et 1990 qui faisaient passer les profits avant les gens ; pareillement, il faudra une génération pour sentir tous les effets de notre tendance contemporaine à remplacer les contacts réels par des contacts virtuels.

Règle 2. Gardez la main – respectez le nombre de Dunbar

En 1958, parce qu’il croyait aux possibilités du polytétrafluoroéthylène (PTFE), un polymère couramment appelé Teflon, Bill Gore quitta son poste chez DuPont. La même année, avec sa femme Vieve, il créa W. L. Gore & Associates dans leur sous-sol. En ce lieu sympathique, tout le monde connaissait tout le monde. Mais la découverte par leur fils Bob d’un nouveau polymère, le polytétrafluoroéthylène expansé (ePTFE) changea à jamais le cours de l’entreprise. Le ePTFE, ou GORETEX, ainsi qu’on le connaît généralement, a des applications quasi infinies dans les marchés de la médecine, des tissus et de l’industrie. L’humble affaire familiale ne tarda pas à sortir de son sous-sol pour s’installer dans une usine. Les affaires marchaient fort, la demande grandissait ; et avec elle l’usine et les effectifs.

Un jour, dit-on, en parcourant l’atelier de son usine, Bill Gore s’aperçut que beaucoup de visages lui étaient inconnus. L’affaire était devenue si grande qu’il ne connaissait plus ceux qui travaillaient pour lui. Quelque chose lui dit que cela ne pouvait pas être bon pour lui, pour ses salariés et pour l’entreprise. Quel effectif plafond fallait-il respecter pour préserver le sentiment de camaraderie et d’équipe qui lui paraissait indispensable à un fonctionnement harmonieux ? Après quelques calculs, il se dit que la limite se situait aux environs de 150 personnes. C’était le nombre magique.

Au lieu d’essayer de grappiller un peu de productivité en agrandissant l’usine existante, Gore décida d’en bâtir de nouvelles, quelquefois juste à côté d’une ancienne. L’effectif de chaque usine serait limité à 150 personnes. L’idée s’avéra bonne. L’affaire continua à prospérer et les relations entre salariés restèrent solides et coopératives. Encore détenue par des mains privées aujourd’hui, la société réalise 3,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel, emploie plus de dix mille personnes dans le monde et persiste à organiser ses usines et bureaux en groupes opérationnels d’environ 150 personnes.

Bill Gore s’est fié à son instinct en fonction de ses propres observations, mais ce n’est pas un hasard s’il a abouti à la limite des 150 personnes. L’anthropologue britannique Robin Dunbar, professeur au département de psychologie expérimentale d’Oxford University, est parvenu à la même conclusion. Il a découvert qu’il était tout simplement impossible d’entretenir beaucoup plus de 150 relations proches. « Pour l’expliquer autrement, aime-t-il dire, il s’agit du nombre de personnes auxquelles vous vous joindriez sans hésiter pour boire un verre, sans y avoir été invité, si vous tombiez sur eux dans un bar. »

Les premiers groupes d’Homo sapiens vivaient dans des tribus de chasseurs-cueilleurs dont le nombre ne dépassait pas les cent à cent cinquante personnes. Les communautés amishs et huttérites comptent environ 150 personnes. Les Bochimans d’Afrique du Sud et les Indiens d’Amérique vivent aussi dans des groupes qui plafonnent aux alentours de 150. Même les compagnies de Marines font à peu près cette taille. Ce nombre magique est celui des relations proches que nous sommes naturellement voués à gérer. Au-delà, une rupture se produit, à moins de mettre en place des systèmes sociaux rigides ou une hiérarchie et une bureaucratie efficaces. C’est pour cela que les hauts dirigeants sont obligés de faire confiance à des cadres moyens : si l’on désire conserver un sentiment fort de confiance et de coopération, personne ne peut efficacement gérer un grand nombre de personnes.

À y regarder de plus près, il semble parfaitement raisonnable que les groupes fonctionnent mieux quand ils ne dépassent pas les alentours de 150 personnes. La première raison est le temps. Le temps est une constante : les journées n’ont que vingt-quatre heures. Si nous ne consacrions que deux minutes à tous les gens que nous connaissons, nous ne connaîtrions personne très bien, nous ne nouerions jamais de liens de confiance profonds. Une autre raison est la capacité du cerveau. Tout simplement, nous ne pouvons nous souvenir de tout le monde. C’est pourquoi le nombre de Dunbar est en fait d’environ 150 : certains parviennent à se rappeler plus de monde, d’autres moins. De plus, comme Dunbar l’a noté au cours de ses recherches, les gens sont moins disposés à travailler dur et à s’aider mutuellement dans les groupes de plus de 150 personnes. Cette découverte est très importante, car beaucoup d’entreprises gèrent leur croissance en cherchant à optimiser leurs coûts et non leurs relations humaines. Or, en fin de compte, c’est la solidité de celles-ci qui les aidera à gérer leur croissance.

Beaucoup pensaient que l’internet rendrait obsolète le nombre de Dunbar. En rendant possible des communications efficientes avec un grand nombre de personnes, il nous permettrait d’entretenir plus de relations. Il s’avère que ce n’est pas le cas. Notre anthropologie reste la plus forte. Vous avez beau avoir huit cents amis sur Facebook, il est très probable que vous ne les connaissez pas tous personnellement et vice-versa. Si vous tentiez de les contacter tous directement, comme le journaliste Rick Lax l’a raconté sur wired.com, vous découvririez très vite que le nombre de Dunbar l’emporte. Sur ses deux mille « amis », Lax a été surpris de constater qu’il en connaissait très peu, et que très peu le connaissaient réellement.

Il est bien plus facile de veiller sur les autres dans les petites organisations, où il est possible de connaître tout le monde, Pour des raisons évidentes, nous nous intéressons plus volontiers aux gens que nous connaissons personnellement qu’à ceux que nous ne connaissons pas. Si dans un atelier le mécanicien sait qui est le comptable et que le comptable sait qui est le mécanicien, ils sont plus susceptibles de s’aider l’un l’autre.

Un leader capable de connaître personnellement tous les membres du groupe acquiert envers eux une responsabilité personnelle. Il commence à les voir comme sa propre famille. De même, les membres du groupe commencent à s’approprier leur supérieur. Dans un peloton de Marines d’une quarantaine de personnes, par exemple, l’officier est souvent désigné comme « notre » lieutenant, alors que l’officier supérieur, plus distant, est simplement « le » colonel. Quand le sentiment de propriété mutuelle entre le leader et ceux qu’il dirige commence à disparaître, quand l’officiel commence à remplacer l’informel, on peut se dire que le groupe est en train de devenir trop gros pour être dirigé efficacement.

Cela signifie que les grandes organisations n’ont qu’un moyen de gérer leur développement en conservant un Cercle de sûreté solide : jouer sur leur hiérarchie. Un PDG peut « se soucier » de ses troupes dans l’abstrait, mais il faut limiter l’abstraction pour que le souci soit réel. Le seul moyen de gérer en grand est de responsabiliser les échelons d’encadrement. On ne peut plus les considérer comme des gestionnaires chargés de manœuvrer ou de contrôler un personnel. Ils doivent au contraire devenir des leaders à part entière, c’est-à-dire devenir responsables du soin et de la protection de ceux dont ils ont la charge, confiants que leurs leaders prendront soin d’eux-mêmes.

Le professeur Dunbar a découvert que dans les très grandes entreprises, celles qui comptent des centaines ou des milliers de salariés et ne sont pas organisées en groupes inférieurs à 150 personnes, les salariés ont tendance à avoir plus d’amis en dehors de leur travail que dans l’entreprise. Plus le groupe de gens avec lequel nous travaillons est vaste, moins nous sommes portés à développer des relations de confiance en son sein.

Il m’est arrivé de visiter les anciens bureaux d’une grande société de médias sociaux dans le nord de la Californie. (Je ne peux dire laquelle, car les visiteurs doivent s’engager à respecter une stricte confidentialité pour pénétrer dans ses locaux.) C’était un vaste espace ouvert du genre loft où des rangées de gens travaillaient ensemble. L’open space visait à encourager les communications ouvertes et la fertilisation croisée des idées. Un commentaire du responsable de la visite m’a paru intéressant compte tenu des découvertes de Dunbar.

Cette entreprise, m’a-t-il dit, s’est développée en partie grâce à une culture étonnante faite de coopération, de partage et de communication franche. Elle attribuait cette culture à l’absence de cloisons. En grandissant, elle a donc conservé la même disposition, celle qu’on me montrait. Mais pour des raisons qu’elle ne parvenait pas à expliquer tout à fait, la coopération et la communication ouverte ne s’étaient pas améliorées. En fait, admit mon guide, elles s’étaient dégradées. Avantage Dunbar.

 

Imagine un monde où la confiance règne, où chaque individu sait qu’il peut compter sur les autres, où la coopération n’est pas un vain mot mais une réalité palpable. C’est ce que ce livre nous invite à découvrir.

Dans un récit captivant, l’auteur nous plonge d’abord dans une nuit de combat en Afghanistan, où un pilote, Johnny Bravo, met sa vie en jeu pour protéger des soldats au sol. Pourquoi agit-il ainsi, sans y être obligé ? Parce qu’il sait qu’ils auraient fait la même chose pour lui. Ce sens du devoir, ancré dans l’empathie et le leadership, est au cœur de toute organisation qui fonctionne véritablement.

Puis, nous voici plongés dans l’univers d’une entreprise où les employés sont traités comme des numéros. Jusqu’au jour où un leader visionnaire, Bob Chapman, décide de tout changer. Plus de pointeuses, plus de barrières entre ouvriers et cadres, plus de méfiance. Résultat ? Une transformation spectaculaire où l’humain prend enfin la place qu’il mérite.

Le message est clair : nous sommes biologiquement programmés pour fonctionner en tribu, protégés par un Cercle de sûreté. Lorsque ce cercle existe, les salariés donnent le meilleur d’eux-mêmes, sans stress destructeur ni rivalité toxique. Les organisations qui l’ont compris prospèrent, tandis que les autres s’épuisent dans la peur et le contrôle.

Nous croyons parfois que la sécurité financière est plus importante que le bonheur au travail. Or, les études prouvent que le stress d’un mauvais emploi est plus nocif que le chômage. Être ignoré par son manager tue la motivation, alors qu’un simple mot d’encouragement peut tout changer.

L’auteur ne prône pas un idéalisme naïf : il s’appuie sur des faits, des chiffres et des exemples concrets. Il nous montre que les entreprises les plus performantes ne sont pas celles qui pressent leurs employés, mais celles qui les protègent. Que les grandes réussites ne viennent pas de la compétition acharnée, mais de la coopération et de la confiance mutuelle.

Dans un style fluide et percutant, ce livre bouleverse nos certitudes et nous pousse à voir le travail autrement. Que tu sois dirigeant, manager ou simple salarié, tu en ressortiras transformé. Prêt à bâtir une culture d’entreprise plus humaine, plus forte, et surtout plus pérenne. Car au final, nous ne travaillons pas pour une entreprise, mais pour les gens qui nous entourent.

Tu trouveras ce livre sur le site Place des Libraires en identifiant une librairie près de chez toi, ou sur le site de la FNAC.

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