Enfants dessinant sur une couverture dans l'herbe.

Tous enthousiastes ! – André Stern – L’imaginaire comme moteur de vie

Chère Madame Perroux

Madame Perroux est entrée dans nos vies un beau jour, alors qu’arrivant au village, nous passions devant le coin du mur d’enceinte de la première maison. Antonin pédalait sur son kart depuis notre cour, c’est-à-dire depuis presque un kilomètre. Je le suivais à pied, comme toujours, selon notre rituel.

Madame Perroux venait tout juste d’ouvrir une boutique à cet endroit. Une petite échoppe inattendue, dans ce hameau composé de quelques maisons seulement. Elle y vendait toutes sortes de choses, dont de la nourriture pour animaux. Des croquettes pour chien, pour chat. Comme elle en avait des biologiques et véganes – chose encore plus étonnante dans la région –, Antonin s’est arrêté pour en acheter un sac, histoire de voir si elles plairaient à notre Félix.

Elles lui ont tellement plu que nous sommes revenus le lendemain pour en racheter. Madame Perroux en proposait en sacs de 5 kilos. Antonin en a chargé deux sur son kart, au prix d’un gros effort.

Madame Perroux l’a tout de suite pris en amitié. Et ce fut réciproque. Même lorsque nous n’avons pas d’achats à faire, elle sort généralement sur le seuil pour saluer Antonin quand nous passons. Et il dit à chaque fois : « Bonjour, Madame Perroux ! » Elle nous connaît bien désormais, car Antonin lui donne toujours, très rapidement, les dernières nouvelles de la famille. Récemment, alors qu’Antonin passait devant chez elle pour la première fois avec son nouveau vélo rouge, elle s’est tout de suite écriée : « Oh, tu as un nouveau vélo, et avec des vitesses, en plus ! » Son attention semblait s’être tout de suite portée sur ce qui était important pour lui.

D’une manière générale, Madame Perroux est très gentille et très serviable. Elle aime beaucoup son magasin et s’y trouve souvent en dehors des heures ouvrables. Je dois dire qu’elle ne nous a jamais déçus et qu’elle a toujours su nous fournir exactement ce qu’il nous fallait, au moment opportun. Un de ses principes est de ne jamais faire attendre ses clients. Dès le seuil franchi, il suffit de lui dire ce que l’on recherche et elle part en trottinant pour revenir presque immédiatement avec l’objet désiré. Je crois qu’elle nous porte une amitié particulière. Lorsque nous sommes avec elle, elle donne l’impression de n’exister que pour nous.

Dorénavant, même lorsque je passe seul en voiture devant chez elle, je dis « Bonjour, Madame Perroux », même si je sais qu’il y a peu de chances qu’elle m’entende, à cause des fenêtres fermées.

Pour notre famille, elle est rapidement devenue un repère. Par exemple, lorsque Pauline m’appelle pour savoir s’il me reste encore beaucoup de route, j’aime répondre : « Je viens juste de passer devant chez Madame Perroux. » Pauline sait alors immédiatement où je suis. De la même manière, lorsqu’Antonin est resté longtemps dehors avec son nouveau vélo rouge et ses cinq vitesses, il répond à la question « Jusqu’où es-tu allé aujourd’hui ? » par : « Je suis allé jusque chez Madame Perroux. »

Il arrive qu’Antonin décide d’aller acheter un gros sac de croquettes bien que nos réserves ne soient pas encore épuisées. Alors, il part avec son kart ou son vélo et je l’accompagne. Je vois que pour lui, il s’agit juste du plaisir de rendre visite à Madame Perroux.

Pendant deux ans, Madame Perroux a peaufiné son magasin. Et depuis peu, elle s’est décidée à franchir un grand pas : elle offre en sus un service de restauration. Elle fait à la fois traiteur, restaurant (à partir de midi, comme l’a très vite noté Antonin) et service à emporter. Antonin s’en est beaucoup réjoui, car elle lui a dit qu’un jour, il l’aiderait en cuisine. Pour l’instant, elle a un employé qu’elle appelle « chef ».

Souvent, en s’approchant de la boutique, Antonin me dit : « Et si nous achetions quelque chose à manger chez Madame Perroux ? » Je suis toujours d’accord. Par chance, j’ai à chaque fois ma carte de paiement sur moi. Mais de toute manière, Madame Perroux a fait une carte de fidélité spécialement pour Antonin. C’est une carte très ingénieuse qui cumule les avantages d’un programme de fidélité et une sorte de bon d’achat prépayé. Il suffit de la recharger de temps en temps. Ainsi, nous ne sommes jamais pris de court.

Antonin s’arrête alors devant la boutique, met un pied à terre et lit sur l’ardoise les détails du plat du jour. La carte « normale », il la connaît par cœur. Il se tourne vers moi pour savoir ce que je vais prendre. Je suis assez régulier sur le curry, Antonin aime beaucoup choisir le plat du jour. Et il y a un risotto aux épinards qu’il commande souvent en plus. Nous passons toujours notre commande à l’aller, pour pouvoir la récupérer au retour, prête, chaude et odorante. Antonin dicte la liste de ce que nous prendrons et Madame Perroux fait souvent des suggestions ou de petits ajouts personnels. Et puis, tandis que nous nous remettons en route, nous l’entendons lancer à la cantonade, tournée vers la cuisine : « Chef !? Il y aura un curry, un plat du jour et un risotto à emporter ! »

Madame Perroux a une voix, ou plutôt un timbre que je reconnais tout de suite. C’est amusant de constater que, quand elle annonce la commande au cuisinier, elle emploie un ton très similaire à celui qu’emploie Ferhad, notre ami propriétaire d’une pizzeria à Paris, lorsqu’il annonce les commandes à son pizzaïolo.

Si je ferme les yeux, je visualise parfaitement Madame Perroux, avec son fichu et, toujours, les mêmes habits. Lorsque nous parlons d’elle, nous la « voyons » collectivement, au même titre que nos autres amis absents. Je suis curieux de savoir quels traits de sa personne voit Antonin lorsqu’il l’imagine. Car Madame Perroux est apparue dans son imagination. C’est lui qui, au jour le jour, lui a donné corps, voix, caractère et activités. Née d’un jeu enthousiaste, elle a pris cette réalité et cette place très concrète dans la vie de notre famille. Elle fait partie de ces personnes qui permettent à l’imaginaire et à la réalité de s’assembler, d’interagir, de s’influencer mutuellement : elle habite juste à la frontière entre les deux. C’est le jeu, le monde de l’enfant.

Nous sommes habitués à opposer monde réel et monde imaginaire. Mais dès que nous laissons s’exprimer notre nature – joueuse, enthousiaste et créative de naissance –, ils retrouvent leur gémellité. Notre santé s’avère dépendre de la fréquence à laquelle nous cessons de rompre les liens qui unissent le réel et l’imaginaire.

 🌟 Et si l’enthousiasme était la clé de tout ? Dans ce livre lumineux, André Stern explore l’enthousiasme, ce moteur inné que nous portons tous en nous depuis la naissance. Contrairement à une vision figée de l’intelligence dictée par les gènes, l’auteur met en lumière le rôle transformateur de l’épigénétique et de nos expériences. Le cerveau humain, explique-t-il, ne se développe pas comme un muscle, mais grâce à une stimulation émotionnelle intense – autrement dit, par l’enthousiasme.

Dès l’enfance, ce feu sacré s’active à chaque découverte. Un enfant n’a pas besoin d’apprendre la tolérance ou d’être forcé à travailler : il s’enthousiasme naturellement pour ce qui l’entoure, des chiffres d’une plaque d’immatriculation aux lettres sur un panneau. Ce cocktail d’émotions génère des substances neuroplastiques qui renforcent les réseaux neuronaux. L’enthousiasme n’est pas un luxe réservé à l’enfance. À 85 ans, vous pourriez apprendre le chinois en six mois… si vous étiez passionné !

Stern déconstruit également l’idée que l’autonomie résulte de la séparation. En réalité, un attachement profond à une figure aimante nourrit la confiance nécessaire pour explorer le monde. Jouer, pour un enfant, n’est pas une distraction : c’est une immersion totale dans un monde où imaginaire et réalité se confondent, libérant une créativité illimitée.

Enfin, ce livre rappelle que nous ne perdons jamais notre capacité à être enthousiastes. Nous avons simplement oublié de l’entretenir. Stern nous invite à redécouvrir ce trésor, à transformer notre quotidien et à retrouver l’émerveillement dans chaque petite chose. ❤️

Un livre à lire absolument pour réveiller l’enfant curieux et joyeux en chacun de nous !

Vous trouverez ce livre sur le site Place des Libraires en identifiant une librairie près de chez vous, ou sur le site de la FNAC.

Les extraits que je vous partage sont ceux qui m’ont parlé lors de la lecture du livre.

Aussi, je vous encourage à acheter ce livre car vous y trouverez sûrement d’autres parties qui vous inspireront.

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