Libérez votre créativité – Julia Cameron – Partie 5

Semaine 4 : Retrouver le sentiment d’intégrité

Cette semaine, peut-être serez-vous aux prises avec une autre perception de votre personnalité ? Le but des essais et des exercices de la semaine est de vous plonger dans une introspection productive et d’intégrer progressivement une nouvelle conscience de vous-même. Cela peut être à la fois très difficile et extrêmement excitant. Avertissement : ne pas sauter l’outil « Privation de lecture » !

Changements honnêtes :

Grâce aux pages du matin, nous commençons à faire la différence entre nos sentiments authentiques, qui sont le plus souvent secrets, et nos sentiments officiels, ceux que nous exprimons socialement.

En résumé, des émotions extrêmes de toute nature – ce que gèrent, par excellence, les pages du matin – sont ce qui déclenche habituellement l’évitement des pages elles-mêmes.

De même qu’un athlète habitué à courir devient irritable lorsqu’il ne peut pas faire ses kilomètres, ainsi ceux d’entre nous habitués aux pages du matin remarqueront leur irritabilité en ne les faisant pas. Nous sommes toujours tentés d’inverser la cause et l’effet : « J’étais de trop mauvaise humeur pour les faire » au lieu de : « Je ne les ai pas faites, donc je suis de trop mauvaise humeur. »

Sur toute période relativement longue, les pages du matin réalisent une chiropractie spirituelle. Elles réalignent nos valeurs. Lorsque nous nous trouvons à gauche ou à droite de notre vérité personnelle, les pages nous indiqueront le besoin d’un réajustement. Nous prendrons conscience de notre dérive et la corrigerons – ne serait-ce que pour empêcher les pages de parler.

En détectant les amis qui nous ennuient, les situations qui nous étouffent, nous sommes souvent secoués par des vagues de chagrin. Il se peut que nous voulions reprendre nos illusions ! Nous voulons prétendre que l’amitié marche. Nous ne voulons pas vivre le traumatisme de rechercher un nouveau travail.

Confrontés à des changements imminents que nous avons-nous mêmes provoqués, nous voulons nous révolter, nous mettre en boule et pleurer. « Pas de souffrance, pas de bénéfice », telle est la cruelle devise. Et nous ne pouvons pas admettre cette douleur, quel que soit le bénéfice que nous en retirons.

Fréquemment, on croit que la vie créative s’appuie sur les fantasmes. La vérité la plus difficile à admettre, c’est que la créativité s’appuie sur la réalité, sur le particulier, sur le ciblé, sur ce qui est bien observé ou imaginé de façon spécifique.

L’art se constitue dans le moment de la rencontre : nous rencontrons notre vérité et nous nous rencontrons ; nous nous rencontrons et nous rencontrons notre propre expression. Nous devenons originaux parce que nous devenons quelque chose de spécifique : une origine à partir de laquelle le travail coule.

Au fur et à mesure que nous gagnons – ou regagnons – notre identité créatrice, nous perdons le faux Moi que nous soutenions. La perte de ce faux Moi peut être ressentie comme traumatique : « Je ne sais plus qui je suis. Je ne me reconnais pas. »

Souvenez-vous que plus vous vous sentez en terre inconnue, plus vous pouvez être certain que le processus de reconquête marche.

Vous êtes votre propre Terre promise, votre propre nouvelle frontière.

« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas ; c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. »

SÉNÈQUE

Les modèles d’énergie changeront. Vos rêves, de nuit comme de jour, deviendront plus forts et plus clairs : vous serez surpris de vous souvenir de vos rêves nocturnes et, le jour, les rêveries diurnes attireront votre attention. Les fantaisies, bienfaisantes et inattendues, commenceront à naître.

De nombreux domaines dans votre vie qui, auparavant, semblaient bien s’emboîter, ne vont plus le faire. La moitié de votre garde-robe peut commencer à vous paraître bizarre. Peut-être allez- vous recouvrir un divan ou, tout simplement, le jeter. Vos goûts musicaux peuvent changer. Il se peut que spontanément vous vous mettiez à chanter, danser, courir…

Votre candeur va peut-être vous déranger. « Je n’aime pas cela » ou « Je pense que ça va être génial », de telles phrases ne sortiront plus de votre bouche. En bref, vos goûts, vos jugements et votre identité personnelle commenceront à voir le jour.

Entrer en soi :

Il nous est difficile de comprendre qu’entrer en soi et écrire les pages du matin puisse ouvrir une porte intérieure qui permet à notre Créateur de nous aider et de nous guider. C’est notre volonté qui ouvre cette porte intérieure. Les pages du matin symbolisent la volonté que nous avons de parler à Dieu et de l’écouter. Elles nous conduisent vers d’autres changements qui proviennent aussi de Dieu et nous conduisent à Dieu. C’est la main de Dieu qui se déplace par l’intermédiaire de votre main quand vous écrivez. Cela est très puissant.

Il existe une technique très rassurante qui est d’utiliser vos pages du matin – ou une partie – pour affirmer par écrit vos progrès.

Exercice : rêves enfouis

En tant que créateurs en reconquête, nous devons souvent dégager de nos propres passés les éclats enfouis de nos rêves et délices. Creusez un peu, s’il vous plaît. Soyez rapide et frivole. Voici un exercice qui fait appel à la spontanéité, donc écrivez vite vos réponses. La rapidité tue le Censeur.

• Indiquez cinq hobbies qui vous semblent drôles.
• Indiquez cinq cours qui vous semblent drôles.
• Indiquez cinq choses que, personnellement, vous ne feriez jamais et qui vous paraissent drôles.
• Indiquez cinq compétences que vous jugeriez amusantes de posséder.
• Indiquez cinq choses que vous aimiez faire.
• Indiquez cinq choses bêtes que vous aimeriez essayer immédiatement.

Privation de lecture :

Si vous restez coincé dans votre vie ou dans votre art, il n’y a pas de solution plus efficace que de se priver de lecture pendant une semaine.

Se priver de lecture, c’est se plonger dans un silence intérieur, un espace que certains d’entre nous commencent immédiatement à remplir de mots nouveaux – des conversations, longues et banales, trop de télévision, la radio, compagne toujours présente et bavarde. Souvent, nous ne pouvons pas entendre, au-dessus des interférences, notre voix intérieure, la voix de l’inspiration de l’artiste. L’arrêt de la lecture nous oblige à porter un regard attentif sur ces autres polluants qui empoisonnent notre puits.

Se priver de lecture est un outil très efficace, mais aussi très effrayant. Seulement y penser peut soulever une colère énorme. Pour la plupart des créateurs bloqués, la lecture est une addiction. Nous gobons les mots des autres plutôt que de digérer nos propres pensées et sentiments, plutôt que de concocter quelque chose de notre cru.

« Mais qu’allons-nous faire ? », demande-t-on immédiatement. Voici une brève liste (incomplète) de ce que les gens font quand ils ne lisent pas :

Écouter de la musique, Tricoter, Réfléchir, Faire des rideaux, Cuisiner, Méditer, Laver le chien, Réparer la bicyclette, Inviter des amis à dîner, Trier les placards, Faire de l’aquarelle, Faire fonctionner la chaîne stéréo, Régler les factures, Rebrancher la lampe, Écrire à d’anciens amis, Repeindre la chambre Rempoter certaines plantes, Aller danser, Ranger les étagères, Réaménager la cuisine, Raccommoder

Exercices de la semaine :

1. Décrivez votre environnement idéal. Ville ? Campagne ? À la mode ? Confortable ? Un paragraphe. Une image, dessinée ou accrochée, qui traduise cet environnement. Quelle est votre saison favorite ? Pourquoi ? Feuilletez quelques magazines et trouvez une image qui la représente. Ou dessinez-la. Placez-la où vous travaillez.
2. Voyage dans le temps. Décrivez-vous à quatre-vingts ans. Qu’avez-vous aimé faire après cinquante ans ? Soyez très précis. Maintenant, écrivez une lettre comme si vous étiez âgé(e) de quatre-vingts ans en vous l’adressant à l’âge que vous avez maintenant. Que vous diriez-vous ? Quels intérêts vous forceriez-vous à poursuivre ? Quels rêves souhaiteriez-vous encourager ?
3. Voyage dans le temps. Souvenez-vous lorsque vous aviez huit ans. Qu’aimiez-vous faire ? Quelles étaient vos occupations favorites ? Maintenant, écrivez une lettre comme si vous aviez huit ans en vous l’adressant à votre âge actuel. Que vous diriez-vous ?
4. Regardez votre maison. Y a-t-il une pièce que vous pourriez transformer en un espace secret, privé pour vous ? Convertir la salle de télé ? Acheter un paravent ou suspendre un drap pour partager une pièce ? Là est votre lieu de rêve. Il doit être décoré pour vous y divertir et non pas agencé comme un bureau. Tout ce dont vous avez vraiment besoin est une chaise et un oreiller, quelque chose sur quoi écrire, un genre de petit autel pour y mettre des fleurs et des bougies. C’est pour que vous compreniez que la créativité est une question d’ordre spirituel, et non d’ordre personnel.
5. Utilisez votre gâteau de vie (celui de la « semaine 2 ») pour examiner votre croissance. Est-ce que cette méchante tarentule a déjà changé de forme ? N’avez-vous pas été plus actif, moins rigide, plus expressif ? Attention ! N’attendez pas trop, trop tôt. Ça, c’est augmenter la hauteur des obstacles. La croissance a besoin de temps pour se consolider et se transformer en santé. Un jour à la fois, vous construisez les habitudes d’un artiste sain. Allez-y doucement. Faites la liste des jouets qui, actuellement, peuvent vous nourrir et que vous pourriez acheter à l’artiste en vous : des livres-cassettes, des abonnements à des revues, des billets pour le théâtre, une boule de bowling…
6. Écrivez votre propre prière d’artiste (voir à la fin. Utilisez-la chaque jour pendant une semaine.
7. Un rendez-vous avec l’artiste prolongé : projetez de petites vacances pour vous-même (un jour de fin de semaine). Soyez prêt le faire.
8. Ouvrez votre armoire. Jetez – ou donnez – une tenue que vous estimez peu (vous savez de quelle tenue il s’agit). Faites de la place pour la nouvelle.
9. Considérez une situation de votre vie que vous auriez dû changer. Quel bénéfice retirez-vous à rester coincé ?
10. Si vous ne respectez pas le contrat de privation de lecture, racontez par écrit la façon dont vous avez rompu votre engagement. Dans un accès de mauvaise humeur ? Par erreur ? Pour vous rebeller ? Comment vous sentez-vous face à cet engagement ? Pourquoi ?

Contrôle de votre semaine :

1. Combien de fois cette semaine avez-vous fait vos pages du matin ? (Des accès de mauvaise humeur surviennent quand on saute les pages du matin.) Qu’avez-vous éprouvé ?
2. Avez-vous pris votre rendez-vous avec l’artiste cette semaine ? (Est-ce que votre artiste est arrivé à faire davantage que le simple fait de louer un film ?) Qu’avez-vous fait ? Qu’avez-vous ressenti ?
3. Avez-vous ressenti une certaine synchronie cette semaine ? Quelle était-elle ?
4. Y a-t-il eu d’autres problèmes cette semaine que vous jugez significatifs pour votre reconquête ? Décrivez-les.