Groupe discutant autour d'une table, réunion professionnelle.

Les vrais leaders se servent en dernier – Simon Sinek – Leadership et intégrité : la confiance avant tout

Chapitre 19 – Leadership, leçon 3 : l’intégrité compte

 Le test de la tranchée

Le colonel arriva à la réunion avec quelques minutes de retard et s’en excusa. Il avait dû régler, dit-il, un « incident ». Ce personnage imposant était un Marine jusqu’au bout des ongles. Raide comme un piquet. Épaules larges. Taille mince. Uniforme parfaitement repassé et fièrement porté. Tête haute, il irradiait la confiance. Officier responsable de l’école des élèves-officiers (OCS) du corps des Marines à Quantico, en Virginie, il prenait ses responsabilités très au sérieux.

Techniquement, l’OCS est destinée à former des officiers, mais les Marines vous diront que c’est davantage un processus de sélection. Il est rare qu’un Marine engagé se fasse éjecter d’un camp d’entraînement de base ; en revanche, celui qui n’est pas à la hauteur de ce que l’OCS attend d’un chef Marine ne deviendra pas officier. Il ne suffit pas de vouloir devenir chef et d’être prêt à travailler dur. À la différence du secteur privé, où bien faire est souvent récompensé par un poste de direction, le leadership, chez les Marines, est aussi affaire de caractère, et pas seulement de force, d’intelligence ou de réussite.

Ce jour-là, l’incident qui avait réclamé l’attention du colonel impliquait l’un des élèves-officiers. Un incident si grave en fait qu’une exclusion pure et simple avait été envisagée. Ma curiosité en fut piquée : qu’avait donc fait ce candidat qui puisse mettre fin à une carrière d’officier dans les Marines ? Un acte gravissime sans doute. Je m’enquis de son crime.

« Il s’est endormi pendant sa garde, répondit le colonel.

– C’est tout ? m’étonnai-je. Vous êtes plus stricts que je ne le pensais ». Ce type était tombé endormi. Il n’était pas au combat, il n’avait pas mis de vie en danger. Il avait fait un somme dans un bosquet… de Virginie. « Et cela suffirait pour mettre fin à sa carrière ? », demandai-je.

– Cela n’avait rien à voir avec le sommeil, dit le colonel. Quand nous l’avons interrogé, il a nié. Nous l’avons interrogé à nouveau, il a encore nié. Il a fallu lui montrer une preuve irréfutable pour qu’il dise : “Je voudrais assumer la responsabilité de mes actes.” Le problème que cela nous pose, dit le colonel, est que vous devez assumer la responsabilité de vos actes au moment où vous les commettez et non quand vous vous faites prendre. »

Chez les Marines, expliqua-t-il ensuite, la confiance et l’intégrité sont considérées comme des questions de vie et de mort. Si cet apprenti leader se voyait confier un peloton de Marines, et que ses hommes n’avaient pas entièrement confiance dans les informations qu’il leur fournirait – bonnes, mauvaises ou neutres –, alors ils risqueraient d’hésiter, de contester sa décision ou de ne pas parvenir à agir en synergie avec leur équipe. Et quand cela se produit, quand nous ne pouvons pas faire confiance aux gens qui sont censés être responsables de nous, il peut arriver n’importe quoi. Dans le cas des Marines, cela signifie que des gens pourraient mourir.

Si les Marines à qui l’on demande d’obéir à leur officier peuvent se dire une seule seconde que l’officier ne dira pas la vérité ou n’assumera pas ses actes, simplement pour protéger ses arrières ou se mettre en valeur, alors le Cercle de sûreté rétrécit, le tissu et l’efficacité entiers du groupe de Marines se dégrade. Si les Marines sont bons, ce n’est pas simplement parce qu’ils sont grands, forts et sans peur. C’est aussi parce qu’ils se font mutuellement confiance et croient, sans le moindre doute, que le Marine qui se trouve à leur droite et celui qui se trouve à leur gauche, quel que soit leur rang, feront leur devoir. C’est pour cela que les Marines sont si efficaces en groupe.

Il en va de même dans toutes les organisations, y compris dans celles où les décisions ne mettent pas de vies en jeu. Si nous soupçonnons que les leaders d’une société cherchent à se présenter, eux ou leur entreprise, comme meilleurs qu’ils ne sont, ou qu’ils pourraient esquiver une humiliation ou une responsabilité, notre confiance en eux vacille. C’est une réaction naturelle. Notre cerveau interprète les informations reçues en songeant à notre survie. Si nous soupçonnons que nos leaders biaisent la vérité en faveur de leurs propres intérêts, alors notre esprit subconscient préfère ne pas bondir dans la tranchée avec eux.

Un autre Marine de l’OCS était tombé endormi pendant le même exercice. Il l’avait tout de suite reconnu et en avait été puni comme il convient. Dans une perspective de leadership, cela ne pose aucun problème chez les Marines. Il avait fait une erreur, c’est entendu. Honnête, il avait aussitôt assumé ses actes. Le leadership selon les Marines ne signifie pas être infaillible. Le leadership n’est pas un galon cousu sur une manche. C’est une responsabilité qui repose presque entièrement sur le caractère. Le leadership est une question d’intégrité, d’honnêteté et de responsabilité. Toutes les composantes de la confiance. Le leadership vient en disant aux autres non ce qu’ils ont envie d’entendre mais ce qu’ils ont besoin d’entendre. Pour être un vrai leader, pour engendrer une confiance et une fidélité profondes, il faut en premier lieu dire la vérité.

Comment ne pas bâtir la confiance

« L’intégrité, dit le PDG, est le socle de nos fondations. » Selon les dictionnaires, « intégrité » signifie une absolue probité, une ferme adhésion à un code de valeurs morales ou artistiques. Ce qui signifie qu’agir avec intégrité est parfois plus exigeant que respecter la loi. Un synonyme pourrait être « incorruptibilité ». L’intégrité est plus qu’un mot inscrit sur un mur à côté d’autres « valeurs de la société » ; elle est la raison pour laquelle nous nous faisons mutuellement confiance – le « socle » de la confiance, pour reprendre les mots du PDG.

Nous devons être certains que les informations venant d’autrui, et spécialement de nos dirigeants, positives ou négatives, sont la vérité. Nous devons être sûrs que ce que l’autre nous dit, il le pense. Si nous doutons de son intégrité, alors nous ne pouvons lui confier notre vie ou celle des gens que nous aimons. Nous hésiterions à sauter dans une tranchée avec lui. L’intégrité des membres de notre communauté, telle que notre cerveau la perçoit, est une question de vie ou de mort.

En tant qu’humains, en tant qu’animaux sociaux, nous sommes programmés pour évaluer sans cesse les informations que les gens nous donnent et les actions qu’ils accomplissent. Ce processus est constant et permanent. Il ne suffit pas que quelqu’un nous parle pour que nous lui fassions confiance, même si ce qu’il dit est la vérité. La confiance apparaît une fois que nous avons assez de preuves pour que notre cerveau considère une personne ou une organisation comme une source honnête. C’est pourquoi l’intégrité, pour qu’elle fonctionne, doit être une pratique et non seulement un état d’esprit. L’intégrité, c’est quand nos mots et nos actes sont conformes à nos intentions. Un manque d’intégrité est au mieux de l’hypocrisie et au pire du mensonge. Le cas le plus courant d’un tel manque dans le monde économique est celui où le leader d’une organisation déclare ce que les autres veulent entendre plutôt que la vérité.

C’est pourquoi nous n’avons pas confiance dans les politiques. Même si nous nous sentons d’accord avec toutes les déclarations d’un homme politique, nous aurons quand même tendance à ne pas lui faire confiance en soupçonnant qu’il ne croit pas tout ce qu’il dit. Nous ne sommes déjà pas intégralement d’accord avec ce que disent ou croient notre famille et nos amis proches ; il est donc raisonnable de penser qu’un politicien qui se trouve absolument sur la même ligne que nous n’est pas totalement honnête.

Quand ils partent en campagne, les hommes politiques serrent des mains et se renseignent sur nous. Mais s’ils se souciaient vraiment de nous, ils nous serreraient les mains et nous rencontreraient d’un bout à l’autre de l’année, et pas seulement quand cela leur convient. Ron Paul, candidat à l’élection présidentielle américaine de 2012, défendait des opinions qui n’étaient pas populaires dans le pays. Il était néanmoins bien plus digne de foi que presque tous les autres candidats, car il savait fort bien qu’elles ne le feraient pas élire, et il les soutenait quand même. Elles étaient en outre cohérentes avec ses déclarations antérieures. Je suis en désaccord avec Ron Paul sur bien des sujets, je ne voterais pas pour lui, et pourtant, au fond d’une tranchée, je lui ferai davantage confiance qu’à certains de ceux pour lesquels je vote. Pour une seule raison : son intégrité.

L’intégrité ne consiste pas à être honnête quand nous sommes d’accord les uns avec les autres ; c’est l’être aussi quand nous ne sommes pas d’accord ou, plus important même, en cas d’erreur ou de faux-pas. Une fois de plus, notre besoin de bâtir des relations de confiance, ainsi que le perçoit notre cerveau social, est une question de vie ou de mort, ou, dans le cas de notre existence occidentale moderne, une question de se sentir en sûreté, à l’abri et protégé, et non pas isolé et vulnérable. Nous avons besoin que les gens admettent leurs échecs sans tenter de les cacher ni d’enjoliver la réalité en espérant préserver leur image. Toute tentative d’embellissement répond à une motivation égoïste, qui peut être néfaste au groupe en cas de danger. Cette idée n’est nullement complexe.

Pour les leaders, l’intégrité est particulièrement importante. Nous avons besoin de nous dire que l’orientation qu’ils choisissent est bonne pour nous tous et pas seulement pour eux. En tant que membres d’une tribu, désireux d’éprouver un sentiment d’appartenance et d’obtenir la protection et le soutien du groupe, nous suivons souvent nos leaders aveuglément avec la conviction (ou l’espoir) que tel est notre intérêt. C’est le contrat que nous passons avec eux. Nous, membres du groupe, travaillerons dur pour que leur vision se réalise, et pendant ce temps-là ils nous offriront leur protection, y compris sous forme d’avis et de commentaires sincères. Nous avons besoin de sentir qu’ils se soucient vraiment de nous. Exactement comme le disait ce PDG.

« L’intégrité est le socle de nos fondations », déclarait Michael Duke, patron de Walmart, à ses actionnaires. « Notre culture dit qui nous sommes. Elle ne se borne pas à quelques mots calligraphiés sur un mur de notre siège ou punaisés sur un panneau d’affichage dans les réserves d’un magasin. Elle nous rend spéciaux. Elle nous distingue de la concurrence. Et elle séduit les gens partout. Aussi, où que nous allions et quelque changement que nous puissions apporter, nous devons conserver une culture forte. Je crois vraiment que le commerçant qui l’emportera dans l’avenir est celui qui respecte les individus, qui fait passer les clients en premier, qui s’efforce d’atteindre l’excellence, en qui on a confiance. »

J’admire les leaders qui croient en la valeur de la culture. Je respecte les leaders qui font passer les gens en premier. Et j’éprouve une profonde loyauté envers ceux qui voient dans l’intégrité le socle de l’entreprise. Ces convictions préludent à une culture très forte, dans laquelle les gens se sentent engagés les uns envers les autres et envers l’organisation. La priorité donnée aux personnes et l’exigence d’intégrité dominent la culture du corps des US Marines et guident les décisions chez Barry-Wehmiller (même si ces organisations ne diffusent pas de communiqués de presse pour le dire).

Que penser, alors, quand Duke, après avoir entonné l’air de l’intégrité, déclare au cours de la même assemblée générale d’actionnaires que sa priorité numéro un est « la croissance » ? Je croyais que c’était les clients ! Serait-ce que la culture, définie comme l’agglomération des valeurs et des croyances communes d’un groupe de gens, n’est finalement qu’une suite de mots inscrits sur un mur ?

Les états financiers de Walmart révèlent que Duke a gagné 18,1 millions de dollars en 2011. Ce qu’ils ne disent pas est que le mode de calcul de sa prime de PDG a changé. Pendant de nombreuses années, elle a été calculée en fonction du chiffre d’affaires à périmètre constant. Mais sous la présidence de Duke, le conseil a modifié les règles : la prime est désormais calculée sur le chiffre d’affaires total – un objectif plus facile à atteindre. Le chiffre d’affaires à périmètre constant baissait depuis deux ans et la rémunération de Duke allait en souffrir. Grâce au changement de règles, l’évaluation de ses « performances » a pu bénéficier du chiffre d’affaires global, largement gonflé par Walmart International.

Jackie Goebel, salariée de Walmart à Kenosha, dans le Wisconsin, reçoit comme Duke une prime annuelle calculée d’après les résultats de l’entreprise. En 2007, sa prime, calculée sur le chiffre d’affaires à périmètre constant, dépassait 1 100 dollars. Mais contrairement à celle de Duke, le mode de calcul de sa prime n’a pas changé : l’année où son PDG gagnait 18,1 millions, Mme Goebel perçut 41,17 dollars. Le changement des règles n’avait pas bénéficié à tous les membres de l’organisation, mais seulement à celui qui siégeait au sommet.

Les priorités affichées par Mike Duke et le conseil d’administration varient apparemment selon les groupes devant lesquels ils s’expriment. Cependant, même s’ils paraissent en totale contradiction avec la définition de l’intégrité, ce n’est pas entièrement de leur faute. Le problème est que l’effet de leurs décisions sur les autres ne leur apparaît qu’à la lecture d’une feuille de calcul. C’est l’un des effets secondaires de l’abondance destructrice. Fonctionnant à une telle échelle, comment pourraient-ils élargir le Cercle de sûreté au-delà de leur propre personne et de quelques cadres très haut placés – les gens qu’ils connaissent réellement ?

En conditions d’abstraction, nos dirigeants feront naturellement passer leurs propres intérêts avant ceux des autres. Les premiers cercles passent avant les Cercles de sûreté élargis. Et ce n’est pas seulement cela le problème, c’est qu’ils donnent l’exemple au reste de l’entreprise. Faire en sorte de protéger ses propres intérêts, en particulier quand c’est au détriment des autres, revient à proclamer que chacun peut légitimement en faire autant. Et c’est là que Duke pourrait et devrait être tenu comptable des décisions qui font douter de son intégrité.

Les dirigeants des entreprises fixent un ton et une orientation pour leur personnel. S’ils sont hypocrites, menteurs et égoïstes, ils instaureront une culture peuplée de salariés hypocrites, menteurs et égoïstes. Les dirigeants des entreprises qui disent la vérité, en revanche, créeront une culture de gens qui disent la vérité. Cela n’est pas difficile à comprendre. Nous suivons le leader.

Entre 2005 et 2009, le directeur de la filiale argentine de Ralph Lauren et certains de ses collaborateurs versèrent régulièrement des pots-de-vin à des fonctionnaires en contrepartie d’une accélération des livraisons et d’accommodements avec la réglementation des importations. L’argent transitait par l’intermédiaire d’un courtier en douane. Pour dissimuler leurs agissements, les salariés allèrent jusqu’à émettre de fausses factures où les versements étaient camouflés sous des libellés fictifs : frais de chargement et livraison, taxes, etc. Pendant plus de quatre ans, ils couvrirent de cadeaux les responsables douaniers : espèces, bijoux, vêtements de prix et même un sac à main vendu plus de 10 000 dollars en boutique.

Quand les dirigeants de Ralph Lauren Corporation eurent vent de ces infractions à différentes lois sur le commerce international, ils tirèrent le signal d’alarme. Ils auraient pu essayer de dissimuler les faits, ou couvrir d’or une agence de relations publiques qui aurait présenté l’affaire au mieux afin d’éviter des retombées à la société. Au contraire, dans les jours suivants, ils contactèrent les autorités américaines pour exposer leurs découvertes et offrir de coopérer à une enquête fédérale sur leurs propres affaires.

Bâtir la confiance ne réclame rien de plus que de dire la vérité.

Lorsque les dirigeants de la société-mère furent informés, le total des pots-de-vin versés approchait les 600 000 dollars. En fin de compte, Ralph Lauren Corporation dut payer environ 882 000 dollars d’amendes et de frais au ministère de la Justice et 732 000 dollars à la Securities Exchange Commission (SEC), mais le jeu en valait la chandelle. Comme le Marine qui avait reconnu s’être endormi et avait accepté sa punition, Ralph Lauren avait montré qu’on pouvait lui faire confiance. Pour cela, ses dirigeants n’avaient rien eu d’autre à faire que de dire la vérité. L’affaire leur a peut-être coûté 1,6 million de dollars, mais sans leur honnêteté, elle aurait pu leur coûter leur réputation et la confiance de ceux qui travaillent avec eux. Le profit ne valait pas qu’ils violent leur intégrité.

Bâtir la confiance ne réclame rien de plus que de dire la vérité. C’est tout. Pas de formule compliquée. On se demande pourquoi tant de gens ou de dirigeants d’organisations refusent de dire la vérité ou préfèrent enjoliver leur situation plutôt que d’admettre qu’ils ont mal agi. Répétons-le, notre cerveau primitif, qui évalue tout en termes de survie, ne s’y laisse pas tromper. C’est pourquoi, si souvent, nous ne faisons pas confiance aux politiques ni aux grandes entreprises. Cela n’a rien à voir avec la politique ou les affaires en soi. Cela a à voir avec la manière dont les politiques et les patrons choisissent de nous parler.

Chacun de nous devrait considérer son supérieur ou le dirigeant de l’entreprise pour laquelle il travaille et se demander : « Voudrais-je descendre aux tranchées avec lui ? » Quant aux cadres et dirigeants qui comptent sur notre travail, ils se demanderaient de leur côté : « À quel point notre entreprise est-elle solide si la réponse est non ? »

Comment dire la vérité ? La leçon d’une entreprise

Bank of America avait annoncé que l’utilisation de ses cartes de paiement allait être facturée 5 dollars par mois. Face au tollé de ses clients, son PDG, Brian Moynihan, déclara que sa société avait « le droit de faire un bénéfice ».

Cela ne contribua guère à calmer les clients. D’un bout à l’autre des États-Unis, ils se mobilisèrent en promettant de fermer leur compte. Ils manifestèrent à Los Angeles et à Boston, et une habitante de Washington récolta 300 000 signatures solidaires contre la société de Caroline du Nord. Leur colère s’aggrava quand ils comprirent que la commission ne s’appliquerait pas à tous les titulaires de comptes. Les plus riches en seraient exemptés. Ceux qui la subiraient seraient surtout les titulaires de comptes moyens, dont beaucoup n’avaient que leur salaire pour vivre.

Les dirigeants de Bank of America refusèrent de révéler si les fermetures de comptes avaient été plus nombreuses que la moyenne après l’annonce de leur nouvelle politique. Mais le mardi 1er novembre 2011, trente-trois jours exactement après l’annonce de la mesure, la banque fit savoir par un communiqué de presse qu’elle y renonçait.

Les dirigeants des grandes entreprises changent tout le temps d’avis. Il arrive aux gens et aux entreprises de faire des erreurs et des choix idiots. On s’y attend. On l’admet parfaitement. Ce n’est pas l’infaillibilité qui engendre la confiance entre les gens, ou entre les organisations et leur personnel. C’est l’honnêteté. Or l’honnêteté n’est pas la vertu que Bank of America a démontrée en décidant de renoncer à l’idée de prélever des commissions.

La banque avait d’abord évoqué cette idée exclusivement auprès des milieux d’affaires ; à l’époque, elle avait été très claire et directe quant à ses motivations et ses intentions. Comme d’autres banques, elle s’opposait bruyamment à la loi Dodd-Frank, adoptée après la crise financière afin de plafonner les commissions que les banques pouvaient prélever. « L’économie des cartes de crédit a été bouleversée par les réglementations récentes », déclara une porte-parole de Bank of America. L’objectif des nouvelles commissions, compenser le manque à gagner, fut largement répété sans être contesté. De nombreuses banques y réfléchissaient, Bank of America était juste la première à ouvrir le feu.

La société disait une chose à la communauté financière mais une autre au public. En présentant officiellement son projet, elle eut l’aplomb d’expliquer que les commissions envisagées étaient destinées à « aider les clients à profiter pleinement de toutes les fonctions supplémentaires comme la protection contre la fraude ». L’astuce n’était même pas adroite. C’est comme si un constructeur automobile venait nous dire qu’il allait nous prélever cinq dollars par jour pour que nous puissions profiter des somptueux accessoires de sa nouvelle voiture. Les clients de la banque ne gobèrent pas cette explication. Face à leur rébellion, la banque modifia son discours. Dans un communiqué de presse laconique, elle tenta en quatre phrases de réparer le dommage qu’elle s’était elle-même infligé.

Charlotte, Caroline du Nord, le 1er novembre 2011 (Business Wire)

Bank of America n’appliquera pas de commission d’utilisation sur les cartes de paiement

Compte tenu de l’avis de ses clients et de l’évolution du marché concurrentiel, Bank of America renonce à appliquer une commission d’utilisation sur les cartes de paiement.

« Nous avons écouté nos clients très attentivement au cours des dernières semaines et constaté leur réticence envers la commission d’utilisation des cartes de paiement que nous avions prévue », déclare David Darnell, codirecteur général. « L’avis de nos clients est très important pour nous. C’est pourquoi nous ne prélevons pas de commission actuellement et nous renonçons à tout futur projet en ce sens. »

Au passage, « écouter ses clients » se fait d’ordinaire avant de prendre une décision et non après. Mais peu importe. Le fait est qu’en réalité, les dirigeants de la banque écoutaient les critiques des présentateurs à la télévision, les manifestants qui défilaient devant leurs bureaux et les caisses qui se vidaient au rythme alarmant des fermetures de comptes.

Pour instaurer la confiance avec ses clients – et bien sûr avec Wall Street – il aurait suffi à Bank of America de dire la vérité. C’est tout. Pourquoi n’avoir pas plutôt annoncé son changement d’avis par un communiqué tel que celui ci :

Charlotte, Caroline du Nord, le 1er novembre 2011 (Business Wire)

Bank of America n’avait pas prévu une telle réaction

Compte tenu des protestations de ses clients et des réactions négatives de la presse, Bank of America renonce à appliquer une commission d’utilisation sur les cartes de paiement.

« Nous sommes confrontés à des difficultés économiques inhabituelles », déclare David Darnell, codirecteur général. « Dans le but d’améliorer nos revenus, nous avions pensé essayer d’appliquer une commission sur les achats par carte de paiement. Nous nous attendions à quelques protestations, mais pas autant que nous en avons eues. Nous renonçons donc à tout projet futur visant à prélever des commissions supplémentaires sur les achats de nos clients par carte de paiement, quels qu’ils soient. De plus, nous présentons nos excuses pour notre manque de clairvoyance. Nous avons certainement appris une leçon importante sur la valeur de nos clients et l’influence qu’ils peuvent avoir sur notre réputation financière. »

La banque n’en aurait pas moins pris une décision entièrement contraire aux intérêts de ses clients, mais l’admettre honnêtement aurait fait davantage pour engendrer la confiance. Bank of America aurait renforcé sa réputation en disant simplement la vérité. La confiance envers une organisation se bâtit de la même manière que la confiance envers une personne. Il nous faut savoir à quoi nous attendre pour pouvoir mieux gérer nos liens sociaux et déterminer avec qui nous pouvons nous rendre vulnérables, avouer une faiblesse ou exposer nos arrières. La question n’est pas de gagner ou de perdre. Tout ce que nous voulons, c’est savoir s’il est possible de se sentir en sécurité dans une tranchée en votre compagnie.

Les entreprises contemporaines ont une fâcheuse tendance à agir comme le Marine qui n’acceptait d’assumer la responsabilité de ses actes qu’une fois confondu. Si l’une d’elles se fait prendre la main dans le sac, ses dirigeants s’interrogent-ils sur les moyens de s’en sortir sans trop de conséquences ou bien sur la nécessité d’agir avec droiture en application d’un code moral… d’un code d’éthique et d’intégrité ? Contrairement à ceux de Ralph Lauren, les dirigeants de Bank of America ont choisi de manipuler l’information pour se donner l’air de prendre soin du client, alors que de toute évidence, ils pensaient surtout à eux-mêmes.

Imaginons que l’entreprise pour laquelle vous travaillez vient de perdre soudain son plus gros client. Votre patron vous en informe et vous annonce que vous-même et tous les collaborateurs de votre service allez devoir subir une baisse de salaire, peut-être même un congé obligatoire, le temps que l’entreprise reprenne pied. Certes, ce sera dur pendant un moment, vous dit-il, mais si vous acceptez de rester, vous en recevrez la contrepartie lorsque la situation s’améliorera. De la part de qui seriez-vous le plus disposé à croire un tel message : d’un dirigeant de Bank of America ou d’un dirigeant de Ralph Lauren ? Ainsi faites-vous une chose, ainsi faites-vous toutes choses, assure un dicton bouddhiste zen.

 

Imagine un monde où la confiance règne, où chaque individu sait qu’il peut compter sur les autres, où la coopération n’est pas un vain mot mais une réalité palpable. C’est ce que ce livre nous invite à découvrir.

Dans un récit captivant, l’auteur nous plonge d’abord dans une nuit de combat en Afghanistan, où un pilote, Johnny Bravo, met sa vie en jeu pour protéger des soldats au sol. Pourquoi agit-il ainsi, sans y être obligé ? Parce qu’il sait qu’ils auraient fait la même chose pour lui. Ce sens du devoir, ancré dans l’empathie et le leadership, est au cœur de toute organisation qui fonctionne véritablement.

Puis, nous voici plongés dans l’univers d’une entreprise où les employés sont traités comme des numéros. Jusqu’au jour où un leader visionnaire, Bob Chapman, décide de tout changer. Plus de pointeuses, plus de barrières entre ouvriers et cadres, plus de méfiance. Résultat ? Une transformation spectaculaire où l’humain prend enfin la place qu’il mérite.

Le message est clair : nous sommes biologiquement programmés pour fonctionner en tribu, protégés par un Cercle de sûreté. Lorsque ce cercle existe, les salariés donnent le meilleur d’eux-mêmes, sans stress destructeur ni rivalité toxique. Les organisations qui l’ont compris prospèrent, tandis que les autres s’épuisent dans la peur et le contrôle.

Nous croyons parfois que la sécurité financière est plus importante que le bonheur au travail. Or, les études prouvent que le stress d’un mauvais emploi est plus nocif que le chômage. Être ignoré par son manager tue la motivation, alors qu’un simple mot d’encouragement peut tout changer.

L’auteur ne prône pas un idéalisme naïf : il s’appuie sur des faits, des chiffres et des exemples concrets. Il nous montre que les entreprises les plus performantes ne sont pas celles qui pressent leurs employés, mais celles qui les protègent. Que les grandes réussites ne viennent pas de la compétition acharnée, mais de la coopération et de la confiance mutuelle.

Dans un style fluide et percutant, ce livre bouleverse nos certitudes et nous pousse à voir le travail autrement. Que tu sois dirigeant, manager ou simple salarié, tu en ressortiras transformé. Prêt à bâtir une culture d’entreprise plus humaine, plus forte, et surtout plus pérenne. Car au final, nous ne travaillons pas pour une entreprise, mais pour les gens qui nous entourent.

Tu trouveras ce livre sur le site Place des Libraires en identifiant une librairie près de chez toi, ou sur le site de la FNAC.

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