Chapitre 10 – Une motoneige dans le désert
Il faut bien l’admettre, nous sommes bons. Vraiment bons. Jamais rien de mieux n’a vécu sur Terre. Cela n’est pas une songerie narcissique : regardez un peu le monde qui nous entoure. Les autres animaux vivent au jour le jour, recherchant de la nourriture, procréant et fonctionnant à l’instinct. Pas nous. Nous faisons bien davantage que de survivre ou d’accroître notre population (ce que nous faisons bien aussi, d’ailleurs).
Nous inventons, nous construisons et nous accomplissons des choses hors de portée de toute autre espèce présente sur notre planète. Les pyramides ne sont pas l’œuvre des gazelles : leurs bâtisseurs, c’est nous. Le moteur à explosion n’est pas dû aux gorilles : leurs inventeurs, c’est nous. Et tout cela est le produit de notre remarquable néocortex – la partie du cerveau qui nous distingue de tous les autres mammifères. C’est grâce à lui que nous sommes capables de penser le monde rationnellement et de manière critique et de résoudre des problèmes complexes. C’est grâce à lui que nous sommes capables de parler et de communiquer de manière bien plus élaborée que n’importe quelle autre espèce. Or cette capacité nous permet, entre autres, de transmettre nos leçons aux autres afin qu’ils n’aient pas à réapprendre tout ce que nous avons appris. Chaque génération peut s’appuyer sur les leçons de la précédente afin d’accomplir un progrès réel. Voilà ce que signifie être humain. Nous sommes des machines à réussir.
Cependant, si doué soit notre néocortex pour nous aider à accomplir des choses, c’est notre cerveau limbique primitif qui contrôle nos sentiments. Notre aptitude à faire confiance. À coopérer. À vivre en société et à bâtir des collectivités solides. C’est notre cerveau limbique qui alimente nos réactions instinctives, et ce sont nos réactions instinctives qui pilotent notre comportement. Elles nous rendent capables de former des liens émotionnels forts avec les autres. Et ces puissants liens sociaux nous permettent de travailler ensemble pour réaliser les rêves dont notre cerveau d’Homo sapiens est capable. Sans notre aptitude à nous faire confiance mutuellement et à travailler ensemble, quelle que soit notre intelligence, nous mourrions jeunes et solitaires. Nous ne ressentirions jamais la joie d’entretenir des relations, d’appartenir à un cercle de gens dont nous partageons les valeurs et les croyances, d’éprouver le sentiment intense de bienveillance qui naît quand on fait quelque chose pour quelqu’un d’autre.
Il nous plaît de penser que nos progrès sont dus à notre intelligence, or celle-ci n’est pas tout. Elle nous donne des idées et des instructions, mais c’est notre aptitude à coopérer qui nous rend capables de réaliser des choses. Rien de vraiment valable sur Terre n’a été bâti par une personne seule, sans l’aide d’autrui. Rares sont les réussites, les entreprises ou les technologies nées d’une seule personne sans l’appui ou le soutien de quiconque. Il est clair que plus les autres acceptent de nous aider, plus nous sommes capables d’en faire.
Et de cette aptitude à réaliser ensemble est issu l’un des plus grands paradoxes de l’ère moderne. Dans notre poursuite du progrès, nous avons, sans le vouloir, bâti un monde où la coopération nous est de plus en plus difficile. Les symptômes de ce cruel paradoxe se ressentent aisément dans le monde développé. La solitude et le stress ont suscité des industries qui profitent de notre quête du bonheur. Les cours et les livres de développement personnel, et toutes sortes de produits pharmaceutiques, sont devenus des industries multimilliardaires qui prétendent nous aider à trouver ce bonheur fugace, ou au moins à réduire notre stress. En quelques décennies seulement, le développement personnel est devenu un secteur qui pèse 11 milliards de dollars par an. Et il semblerait bien que cette prolifération ait surtout développé l’industrie du développement personnel elle-même.
Notre quête du bonheur et des contacts nous a aussi conduits à solliciter les conseils de professionnels. Dans les années 1950, rares étaient ceux qui allaient suivre une séance hebdomadaire chez un thérapeute. Aujourd’hui, aux États-Unis, selon le Hoover Institute, on compte 77 000 psychologues cliniciens, 192 000 travailleurs sociaux cliniciens, 105 000 conseillers en hygiène mentale, 50 000 conseillers conjugaux et familiaux, 17 000 infirmiers psychothérapeutes et 30 000 coachs en vie privée. Et si ce marché s’étend, c’est parce que la demande croît. Apparemment, plus nous tentons de nous sentir mieux, moins nous nous sentons bien.
À qui la faute, si seule une minorité de salariés se sent comblée et vraiment heureuse au travail ? Nous avons bâti des systèmes et des organisations où l’animal humain est obligé de travailler dans un contexte qui ne lui convient pas bien. Stimulés par un excès de dopamine, alimentés en cortisol quand nous n’en avons pas besoin, nous avons en fait court-circuité notre organisme au point qu’il fonctionne à l’envers : il nous encourage à nous soucier d’abord de nous-mêmes et à nous méfier des autres.
L’être humain a été conçu de manière à fonctionner dans des conditions très spécifiques, et le voilà comme une motoneige au milieu du désert. La motoneige avancera, d’accord. Mais pas aussi facilement ni aussi bien que dans les conditions adéquates. C’est ce qui se passe dans beaucoup de nos organisations modernes. Et quand le progrès est lent ou l’innovation absente, les leaders s’en prennent à la machine. Ils embauchent et licencient dans l’espoir de parvenir au bon cocktail. Ils imaginent de nouvelles sortes d’incitations pour encourager la machine à travailler plus dur.
La confiance est comme un lubrifiant. Elle réduit les frictions et crée des conditions propices à de bons résultats.
Stimulée par un cocktail de dopamine, la machine va certes travailler plus dur et peut-être avancer un peu plus vite dans le désert. Mais aux prix de quelles frictions ! Trop nombreux sont les dirigeants qui ne se rendent pas compte que le problème ne tient pas au personnel. Les individus sont bons. Le problème est l’environnement dans lequel ils travaillent. Rectifiez-le, et le reste suivra.
Pour l’animal social, la confiance est comme un lubrifiant. Elle réduit les frictions et crée des conditions propices à de bons résultats, comme si l’on replaçait la motoneige dans la poudreuse. Faites-le, et même une motoneige cacochyme avancera plus vite qu’une motoneige surpuissante placée dans les mauvaises conditions. Le problème n’est pas le degré d’intelligence des collaborateurs de l’organisation : le véritable indicateur de leur succès futur ou de leur aptitude à surmonter les difficultés est leur capacité à travailler ensemble.
La confiance et le dévouement sont des sentiments dus à la libération de stimulants chimiques dans les tréfonds de notre cerveau limbique. À ce titre, ils sont difficilement mesurables. De même qu’on ne peut ordonner à quelqu’un d’être heureux, la confiance et le dévouement ne se décrètent pas. Une personne n’éprouvera un sentiment de loyauté ou d’attachement qu’une fois satisfaits divers préalables.
Pour instaurer une confiance et un dévouement profond chez leurs collaborateurs, tous les dirigeants d’organisation doivent respecter certains principes de base. Et, au contraire de l’effet de la dopamine, il faudra du temps, de l’énergie et la volonté des gens pour que l’ensemble fonctionne.
Ce qui soulève une question : comment donc nous sommes-nous fourrés dans le désert ?
Imagine un monde où la confiance règne, où chaque individu sait qu’il peut compter sur les autres, où la coopération n’est pas un vain mot mais une réalité palpable. C’est ce que ce livre nous invite à découvrir.
Dans un récit captivant, l’auteur nous plonge d’abord dans une nuit de combat en Afghanistan, où un pilote, Johnny Bravo, met sa vie en jeu pour protéger des soldats au sol. Pourquoi agit-il ainsi, sans y être obligé ? Parce qu’il sait qu’ils auraient fait la même chose pour lui. Ce sens du devoir, ancré dans l’empathie et le leadership, est au cœur de toute organisation qui fonctionne véritablement.
Puis, nous voici plongés dans l’univers d’une entreprise où les employés sont traités comme des numéros. Jusqu’au jour où un leader visionnaire, Bob Chapman, décide de tout changer. Plus de pointeuses, plus de barrières entre ouvriers et cadres, plus de méfiance. Résultat ? Une transformation spectaculaire où l’humain prend enfin la place qu’il mérite.
Le message est clair : nous sommes biologiquement programmés pour fonctionner en tribu, protégés par un Cercle de sûreté. Lorsque ce cercle existe, les salariés donnent le meilleur d’eux-mêmes, sans stress destructeur ni rivalité toxique. Les organisations qui l’ont compris prospèrent, tandis que les autres s’épuisent dans la peur et le contrôle.
Nous croyons parfois que la sécurité financière est plus importante que le bonheur au travail. Or, les études prouvent que le stress d’un mauvais emploi est plus nocif que le chômage. Être ignoré par son manager tue la motivation, alors qu’un simple mot d’encouragement peut tout changer.
L’auteur ne prône pas un idéalisme naïf : il s’appuie sur des faits, des chiffres et des exemples concrets. Il nous montre que les entreprises les plus performantes ne sont pas celles qui pressent leurs employés, mais celles qui les protègent. Que les grandes réussites ne viennent pas de la compétition acharnée, mais de la coopération et de la confiance mutuelle.
Dans un style fluide et percutant, ce livre bouleverse nos certitudes et nous pousse à voir le travail autrement. Que tu sois dirigeant, manager ou simple salarié, tu en ressortiras transformé. Prêt à bâtir une culture d’entreprise plus humaine, plus forte, et surtout plus pérenne. Car au final, nous ne travaillons pas pour une entreprise, mais pour les gens qui nous entourent.
Tu trouveras ce livre sur le site Place des Libraires en identifiant une librairie près de chez toi, ou sur le site de la FNAC.