Présentation d'équipe devant tableau blanc.

Les vrais leaders se servent en dernier – Simon Sinek – Culture d’entreprise : le pilier invisible du succès

Partie VI – L’abondance destructrice

Chapitre 17 – Leadership, leçon 1 : telle culture, telle entreprise

Une culture sacrifiée

« Cupide à long terme » . Ainsi Gustave « Gus » Levy, vénérable associé senior chez Goldman Sachs, décrivait-il le mode de fonctionnement de sa société. C’était en 1970 ; Goldman Sachs, organisation « comme il faut », croyait aux partenariats et agissait pour son plus grand bien et celui du client. Cela peut prêter à sourire étant donné sa réputation actuelle, mais, à l’époque, les banquiers de Goldman étaient surnommés les « boy-scouts milliardaires » tant ils semblaient déterminés à agir toujours pour le bien de leurs clients. « Cupide à long terme » signifiait qu’il était parfois justifié de supporter une perte dans l’immédiat, car on en serait largement récompensé à la longue par la loyauté et la confiance du client. Et tel était bien le cas.

Comme tant d’organisations dotées d’une culture forte, Goldman Sachs se développa tandis que ses rivaux peinaient ou disparaissaient. À partir des années 1970 et jusqu’au début des années 1990, il semblait que la firme était incapable de mal agir. « Avant les années 1990, leur réputation était très solide », écrit la journaliste Suzanne McGee. « Une introduction en Bourse réalisée par Goldman Sachs équivalait à un coup de chapeau de Good Housekeeping. »

Sans vouloir enjoliver la culture de Goldman (pas plus que celle de la Greatest Generation), il ne fait aucun doute qu’elle faisait figure d’étalon-or à Wall Street. Et comme dans toutes les entreprises à culture forte, il était difficile d’y entrer. Par difficile, je n’évoque pas un niveau d’études, je pense à des exigences encore supérieures. Il fut un temps où même les candidats les plus diplômés n’étaient pas certains d’y être admis. Encore devaient-ils correspondre à sa culture. On leur demandait de faire passer les besoins de la firme avant les leurs. Inspirer aux associés un sentiment de confiance était plus important que les convaincre qu’on contribuerait à les rendre riches. Le personnel, réciproquement, devait adhérer à l’idée de cupidité à long terme. Grâce à sa culture fondée sur des normes de caractère exigeantes, Goldman avait prospéré en des temps difficiles. Tandis que d’autres équipages ne songeaient qu’à essayer de sauver leur peau, quitte parfois à abandonner le navire, le personnel de Goldman se ralliait pour passer le cap.

Mais il se produisit quelque chose. À partir des années 1990, avec certainement une accélération après l’introduction en Bourse de la société en 1999, la culture de partenariat commença manifestement à disparaître. La période était propice à l’installation d’une nouvelle mentalité. « Les réglementations qui rendaient la finance ennuyeuse avaient pratiquement disparu lors de l’entrée en Bourse de Goldman », a souligné Lawrence Lessig, professeur de droit à Harvard, dans une tribune de CNN.com. « Des expériences audacieuses et parfois imprudentes (les “innovations financières”) ont engendré d’incroyables opportunités de profit pour des firmes dans son genre. »

Dans cette atmosphère, la firme, en expansion rapide, commença à se tourner vers une nouvelle sorte de traders nettement plus offensifs que les banquiers d’affaires qui la peuplaient précédemment. Les critères de recrutement firent désormais passer le profil universitaire et les succès acquis avant la compatibilité culturelle.

L’irruption du broker nouveau genre provoqua du ressentiment chez ceux qui étaient fiers de la société qu’ils avaient bâtie et de la culture qu’ils se dévouaient à maintenir et protéger. L’entreprise se divisa en deux camps distincts, le nouveau Goldman et l’ancien. Une culture bâtie sur la loyauté et la cupidité à long terme, une autre sur les chiffres et les cibles à court terme. L’une reposant sur un équilibre de substances chimiques sociales, l’autre nettement déséquilibrée en faveur de la dopamine.

Plus Goldman recrutait de gens cherchant à maximiser leur patrimoine et leur statut, quelquefois au détriment de ses intérêts à long terme ou de ceux de ses clients, plus sa culture, sa réputation globale et finalement ses décisions s’en trouvaient compromises.

William Cohan met en lumière cette évolution dans Money and Power: How Goldman Sachs Came to Rule the World. « Au début des années 1990, pour la première fois, Goldman licencia vraiment, renvoyant des gens parce que l’année était mauvaise (et non à cause de leurs résultats individuels), et ce fut extrêmement traumatisant », écrit-il. Réfléchissez-y. Avant le début des années 1990, Goldman Sachs ne licenciait pas. Clairement, quelque chose avait changé.

En 2010, à cause de son rôle dans la crise des titres hypothécaires et des énormes primes distribuées quelques mois après son renflouement par le gouvernement, la réputation de Goldman Sachs était au plus bas. Cette firme qui avait joui de la plus grande confiance à Wall Street était devenue un symbole d’excès et de cupidité. Son PDG, Lloyd Blankfein, s’en excusa même : « Nous avons participé à des actes clairement fautifs et nous avons des raisons de le regretter et de présenter des excuses », déclara-t-il en novembre 2009. Mais c’était trop tard (et à moitié insincère, pensèrent beaucoup). Plus question de boy-scouts : les dirigeants de Goldman Sachs ressemblaient davantage à des escrocs. Cette histoire n’est pas propre à Goldman Sachs. Elle illustre ce qui arrive à beaucoup trop d’entreprises dans toutes sortes d’industries.

Chaque culture a son histoire, ses traditions, ses langages et ses symboles à elle. Quand nous nous identifions à une culture, nous exprimons notre appartenance à un groupe et nous nous alignons sur une série de valeurs et de croyances partagées. Nous pouvons nous définir en partie par la culture de notre pays – je suis Américain, par exemple – ou par celle d’une organisation – je suis un Marine. Cela ne signifie pas que nous réfléchissons tous les jours à notre identité culturelle. Mais celle-ci prend plus d’importance si nous sommes éloignés du groupe ou si notre tribu est menacée de l’extérieur. Elle peut même devenir notre priorité essentielle. Rappelez-vous comment les États-Unis n’ont fait qu’un après les événements du 11 septembre.

Dans les cultures d’entreprise fortes, les salariés formeront des attachements analogues. Ils s’identifieront avec l’entreprise d’une manière très personnelle. Les salariés de WestJet, la compagnie aérienne canadienne, rebelle et populiste à la manière de Southwest Airlines aux États-Unis, ne disent pas qu’ils travaillent chez WestJet – ce qui ne serait qu’un emploi. Ils se qualifient eux-mêmes de WestJetters. C’est une identité. Si nous n’éprouvons pas de sentiment d’appartenance, le T-shirt frappé du logo de notre entreprise est un vêtement pour aller au lit ou repeindre la maison. Si nous éprouvons un sentiment d’appartenance, nous arborons les armes de la société en public et avec fierté.

Dans une culture faible, nous renonçons à faire « comme il faut » pour faire plutôt « comme ça me convient »

Quand les normes culturelles tournent le dos au caractère, aux valeurs ou aux croyances pour aller vers la performance, les chiffres et autres critères impersonnels fonctionnant à la dopamine, les substances chimiques qui régissent notre comportement perdent leur équilibre ; notre désir de faire confiance et de coopérer se dilue. À force d’être délayée comme un verre de lait dans lequel on verse de l’eau, la culture finit par perdre ce qui la rendait bonne et saine ; elle devient méconnaissable. Notre sens de l’histoire, de la responsabilité envers le passé et de la tradition partagée s’éteint. Nous avons moins le souci de l’appartenance. Dans une culture devenue faible, nous renonçons à faire « comme il faut » pour faire plutôt « comme ça me convient ».

Travailler chez Goldman Sachs avait plus de sens autrefois. Cela ne désignait pas seulement un lieu de travail. Ceux qui épousaient sa culture renseignaient sur leur personnalité. C’était vis-à-vis du monde extérieur un signe de ce qu’on pouvait attendre d’eux, un signe largement positif. C’était un sujet de fierté personnelle. Mais les dirigeants de l’entreprise omirent de protéger ce qu’il avait fallu si longtemps pour bâtir.

« On peut sans peine juger du caractère d’un homme à la manière dont il traite ceux qui ne peuvent rien pour lui », disait, paraît-il, le grand écrivain Goethe au 19e siècle. Si le caractère désigne la manière dont une personne pense et agit, la culture d’une organisation désigne le caractère d’un groupe de gens et la manière dont ils pensent et agissent collectivement. La culture d’une entreprise à fort caractère incite à bien traiter tout le monde, et pas seulement ceux qui paient ou qui rapportent de l’argent au moment même. Dans une telle culture les collaborateurs de l’entreprise se sentiront protégés par leurs dirigeants et soutenus par leurs collègues. Dans une culture au caractère faible, les gens se diront que leur seule protection vient de leur propre aptitude à gérer le relationnel, à mettre en avant leurs propres succès et à surveiller leurs arrières (avec l’aide d’un collègue ou deux pour les plus chanceux). De même que notre caractère définit notre valeur pour nos amis, la culture d’une entreprise définit sa valeur pour ceux qui la connaissent. Les résultats peuvent s’améliorer ou se détériorer ; la seule chose à quoi on puisse vraiment se fier est la force d’une culture.

Il est toujours fascinant d’observer le vocabulaire avec lequel les gens décrivent leur relation à leur travail. Des mots comme « amour » et « fierté » correspondent à des sentiments associés respectivement à l’ocytocine et à la sérotonine. Ou, dans le cas de Goldman Sachs, à leur absence. « Je ne me sens pas en sécurité », me disait une salariée de Goldman Sachs. « Je pourrais perdre mon travail à tout moment. Goldman n’a pas de cœur. » Dire qu’une entreprise n’a pas de cœur revient à reconnaître son absence d’empathie. Et quand l’empathie fait défaut, l’agression, la peur et autres actions et sentiments destructeurs dominent.

Un ancien salarié ayant travaillé chez Goldman dans les années 2000, alors que la transformation culturelle était déjà très avancée, décrit une atmosphère de brutalité, des cadres dressant les équipes de conseillers les unes contre les autres au fil des projets ou des clients. Une absence de confiance, de respect mutuel et, surtout, de responsable quand les choses tournent mal. Un désir de gagner à tout prix, quitte à écraser un collègue (sans parler des clients). Bien entendu, malgré le prestige de leur employeur (qui datait probablement des années vénérables d’autrefois), ce salarié et la quasi-totalité de ses collègues ont quitté Goldman pour d’autres entreprises dans les deux ans. Un humain désireux de conserver sa santé mentale et sa joie de vivre, sinon sa réussite, ne pouvait en supporter plus. Mais les dirigeants laissèrent cette culture perdurer.

Le New York Times a publié en 2012 un éditorial dans lequel Greg Smith, alors directeur exécutif de Goldman Sachs, annonçait sa démission immédiate de cette firme où il avait travaillé pendant douze ans. Il y évoquait une culture « toxique ».

La culture est l’ingrédient secret qui a fait la grandeur de cet établissement et nous a permis d’obtenir la confiance de nos clients pendant 143 ans. Il ne s’agissait pas seulement de gagner de l’argent : cela ne serait pas suffisant pour faire vivre une entreprise pendant si longtemps. Cela avait quelque chose à voir avec la fierté et la foi dans l’organisation. Je regrette de dire qu’en regardant celle-ci aujourd’hui, je n’y vois pratiquement plus rien de la culture en vertu de laquelle j’ai été heureux d’y travailler pendant de nombreuses années. Je ne ressens plus ni fierté ni conviction. Le leadership signifiait autrefois avoir des idées, donner l’exemple et bien agir. Aujourd’hui, si vous gagnez suffisamment d’argent pour la firme (sous réserve de ne pas être un égorgeur), vous serez promu à un poste influent… Quand il s’écrira des livres sur l’histoire de Goldman Sachs, on devra y lire que le directeur général actuel, Lloyd C. Blankfein, et le président, Gary D. Cohn, ont laissé filer la culture de la firme dont ils avaient la garde.

Quand nous faisons le point sur ce que nous « pensons » de notre emploi, nous nous référons souvent à l’ambiance de travail. Les tâches que nous effectuons ne sont pas tout. Et quand une culture change au point que l’endroit où les gens aimaient travailler devient un endroit où ils vont travailler simplement parce qu’ils désirent obtenir quelque chose, la faute en incombe aux dirigeants. Les gens réagissent à l’ambiance dans laquelle ils travaillent. Ce sont les dirigeants qui décident quel genre d’ambiance ils veulent instaurer. Vont-ils bâtir un premier cercle autour de leurs collaborateurs les plus proches ou élargiront-ils le Cercle de sûreté aux limites extérieures de l’organisation ?

La grande majorité des gens qui travaillent chez Goldman Sachs, en dépit de ce que certains critiques aimeraient croire, ne sont ni mauvais ni méchants. Mais du fait de l’ambiance instaurée par leurs dirigeants, il se peut qu’ils commettent des actes mauvais ou méchants. En tant qu’humains, notre comportement est sensiblement influencé par l’ambiance dans laquelle nous travaillons… pour le meilleur et pour le pire.

En novembre 2008, des terroristes ont attaqué à l’arme automatique différents sites de Bombay, en Inde, tuant plus de 160 personnes. L’un des sites visés était l’hôtel Taj Mahal Palace. Ce qui rend son cas extraordinaire est que ses salariés ont risqué leur vie pour sauver les clients.

On raconte qu’après s’être échappés sains et saufs, des standardistes sont retournés dans l’hôtel pour appeler les clients au téléphone et les guider vers la sortie. Ou que des cuisiniers ont formé un bouclier humain pour protéger des clients qui tentaient de se soustraire au carnage. Sur les trente et une victimes de l’hôtel, près de la moitié étaient des membres du personnel.

Rohit Deshpande, professeur de gestion à Harvard, a étudié ce drame. Les dirigeants de l’hôtel n’ont pas pu lui expliquer pourquoi leur personnel a montré tant de bravoure. Mais la raison n’est pas si mystérieuse : elle tient à la culture qu’ils ont instaurée. L’hôtel, l’un des meilleurs du monde, demande à ses collaborateurs de placer les intérêts de leurs hôtes avant le sien ; souvent, il les récompense pour cela.

Le profil universitaire et les diplômes y pèsent beaucoup moins que chez le Goldman Sachs d’aujourd’hui lorsqu’il s’agit de sélectionner du personnel. Ses dirigeants ont constaté, par exemple, que les diplômés d’écoles de commerce de second rang montrent souvent plus de respect envers autrui que ceux des écoles les plus renommées ; ils préfèrent donc recruter dans celles-là. De même, l’avancement dépend plus du respect et de l’empathie que du talent, des compétences ou de la motivation. Une fois les collaborateurs engagés, on encourage et renforce leurs inclinations, ce qui contribue à bâtir une culture forte dans laquelle on peut faire confiance aux gens pour improviser plutôt que de se conformer aux directives. Le Taj Mahal Palace sait que ses collaborateurs feront « ce qu’ils doivent faire » et non ce qui leur convient. Telle culture, tel personnel.

Je suis toujours épaté quand j’entends le PDG d’une grande banque d’affaires se dire horrifié d’apprendre qu’un « trader félon » a causé du tort à toute son entreprise dans un but de gain ou de prestige personnel. Qu’attendre d’autre d’une culture qui renforce et récompense des comportements égocentriques ? Croire que les gens vont « agir comme il faut » dans ces conditions tient du pari. Mais ce n’est pas le personnel qui fixe l’orientation. Ce sont les dirigeants.

Les mauvaises cultures appellent de mauvais leaders

Comme beaucoup d’autres salariés, Kim Stewart souffrait de l’ambiance toxique. Dès son premier jour dans l’entreprise, elle avait su que la culture de Citigroup laissait à désirer. « Je me souviens qu’en rentrant à la maison, j’ai dit à mon mari : “Je dois éviter de raconter trop de choses intelligentes.” » Son patron ou ses collègues ne lui semblaient pas stupides, non, mais ils auraient pu la considérer comme une menace (sentiment parfaitement légitime dans une organisation où le Cercle de sûreté est faible). On aurait dit qu’un air de soupçon et de défiance flottait en permanence dans le bureau.

À son arrivée dans la division Banque d’affaires, en 2007, Kim Stewart avait cherché à comprendre comment certains types de contrats étaient conclus. Elle était allée voir son patron pour s’assurer qu’elle avait bien saisi. Il avait confirmé. Pourquoi, alors, son premier contrat avait-il été un désastre ? Elle découvrit plus tard que son supérieur, craignant qu’un succès de sa collaboratrice ne fragilise son propre statut, avait intentionnellement omis un volet essentiel du processus, sans lequel l’échec était assuré. C’était comme s’il avait désiré qu’elle échoue afin de mettre en valeur ses propres résultats.

« Chez Citi, explique Kim Stewart, le sentiment était “je ne veux pas que quiconque en sache autant que moi parce qu’alors on pourrait se passer de moi.” » Un tel comportement n’a d’autre utilité que de se protéger soi-même. C’est un symptôme classique d’une culture d’incertitude, fournie en cortisol, où l’on cache parfois des informations précieuses pour protéger un individu ou un petit groupe alors même que leur diffusion serait bénéfique pour les autres et pour l’organisation dans son ensemble. Tout le monde craignait d’être dépassé par un collègue, raconte Kim Stewart. Personne ne se sentait en sécurité. Et pas parce que la société allait devoir licencier ; telle était sa culture, tout simplement.

Une année se passerait avant que la société ne subisse d’énormes pertes financières qui conduiraient à son renflouement par le gouvernement fédéral. L’atmosphère de rétention des informations y avait largement contribué. On ne peut s’empêcher de se demander ce qu’aurait donné la crise financière si davantage de banques avaient eu une culture plus saine, chimiquement équilibrée, dans laquelle les gens ne se seraient pas sentis menacés les uns par les autres.

Bien entendu, les réductions d’effectifs finirent par arriver. En novembre 2008, Citigroup effectua l’un des plus gros licenciements collectifs de tous les temps, toutes industries confondues. En un seul jour, elle envoya 52 000 préavis, touchant environ 20 % de son personnel. Le service de Kim Stewart rétrécit de plus de 50 %, tombant de 190 à 85 personnes ; les primes furent laminées. Une fois la poussière retombée, on aurait pu penser que les leaders de l’organisation auraient fait profil bas. Il n’en fut rien.

Au contraire, l’ambiance se détériora. Fin 2011, se rappelle Kim Stewart, quelques années après la crise, alors que la société était revenue dans le vert, un nouveau directeur général vint se présenter. Trois choses seulement l’intéressaient, annonça-t-il au personnel : le revenu, le résultat net et les charges. « Si vous croyez que je vais vous servir de mentor et vous conseiller sur votre carrière, vous vous trompez », dit-il ensuite en privé à Kim Stewart. Tel leadership, telle culture.

Une culture protégée

Quasiment tout le monde connaît les Post-it. Mais on ignore le plus souvent comment ces papillons autocollants sont nés. Beaucoup d’entreprises développent des produits en les imaginant puis en essayant de les fabriquer ; 3M, pour sa part, doit le développement des Post-it et de bien d’autres produits à sa culture du partage.

Spencer Silver, un chercheur qui est en partie à l’origine des Post-it, travaillait au laboratoire de la société, installée dans le Minnesota. Il cherchait à développer un adhésif très fort. Il n’y parvenait pas. Mais il obtint par hasard un adhésif très faible. Au regard des spécifications qu’on lui avait confiées, il avait échoué. Il aurait pu jeter son « échec » à la poubelle de peur de perdre la face. Il aurait pu le garder secret de peur de perdre son emploi. Il aurait pu le conserver jalousement dans l’espoir d’en tirer profit un jour. En réalité, il fit connaître son invention accidentelle à d’autres collaborateurs de l’entreprise, au cas où quelqu’un trouverait une manière de l’utiliser.

Ce fut exactement ce qui se produisit. Quelques années plus tard, un autre chercheur de 3M, Art Fry, s’agaçait de ne pouvoir maintenir son marque-page en place quand il chantait avec le chœur de son église. Sans cesse, le signet tombait de la page sur le lutrin, puis sur le sol. Art Fry se souvint de l’adhésif faible de Silver et imagina de fabriquer le signet idéal ! Ainsi naquit ce qui allait devenir l’une des marques les plus connues de l’histoire, une marque aux quatre mille variétés vendues dans plus de cent pays.

Chez 3M, l’innovation n’est pas simplement le produit d’un profil universitaire ou d’une compétence technique. Elle résulte d’une culture d’entreprise faite de collaboration et de partage. À l’inverse des dirigeants de certaines banques d’affaires, 3M sait que les gens donnent le meilleur d’eux-mêmes quand ils travaillent ensemble, partagent leurs idées et alimentent leurs projets en empruntant sans difficulté aux autres. La notion du « mien » n’y a pas cours.

Dans une autre entreprise, la formule ratée de Silver n’aurait probablement jamais abouti entre les mains de Fry. « Chez 3M, nous sommes une pépinière d’idées », disait un jour Fry. « Nous ne jetons jamais une idée car nul ne sait à quel moment quelqu’un d’autre en aura besoin. » La pollinisation croisée des idées – associée à une recherche d’échanges entre lignes de produit – a conduit à une atmosphère de collaboration qui fait de 3M un endroit où les salariés se sentent valorisés. « L’innovation par le contact » est l’un de ses mots d’ordre favoris. Les salariés sont incités à présenter de nouvelles idées au cours de réunions spécialisées, les Tech Forums, où ils rencontrent régulièrement leurs pairs d’autres divisions. Indice révélateur du bon fonctionnement de cette collaboration, plus de 80 % des brevets de 3M ont plus d’un inventeur.

Ce genre de culture n’est pas propre à l’industrie dans laquelle 3M évolue. Une industrie moins portée à la collaboration du fait de la nature de ses produits ou services peut elle aussi profiter du partage. Le simple fait de regarder le travail d’un œil neuf peut apporter d’énormes améliorations. L’exposé d’une solution adoptée par l’un peut inspirer une solution à l’autre. Transmettre ses savoirs, n’est-ce pas le principe même de l’apprentissage ?

Regardez les produits développés par 3M et vous serez étonné de voir à quel point l’innovation saute d’une division à une autre. Les chercheurs d’un laboratoire 3M spécialiste des produits pour l’industrie automobile voulaient créer une substance à l’aide de laquelle les carrossiers mélangeraient les enduits de réparation des bosses. Ils adaptèrent une technologie issue d’un autre laboratoire 3M spécialiste des produits dentaires et utilisés par les dentistes pour mélanger la pâte destinée aux prises d’empreintes dentaires. Dans un autre cas, une technologie 3M utilisée pour améliorer la visibilité des signaux routiers servit à inventer des « patchs micro-aiguilles » permettant des injections sans douleur. La pollinisation croisée entre idées produit de l’innovation à un degré qui a de quoi étonner la plupart des gens.

La société possède plus de vingt mille brevets, dont plus de cinq cents obtenus au cours de la seule année 2012. En 2009, alors que l’économie se portait très mal et que d’autres entreprises réduisaient leurs budgets de R&D pour faire des économies, 3M a encore réussi à lancer plus de mille nouveaux produits. On les trouve partout, même si l’on ne les remarque généralement pas – et l’on n’imaginerait pas de s’en passer. Si l’on apposait sur les produits du quotidien une étiquette « 3M inside » inspirée du « Intel inside » des ordinateurs, le consommateur moyen la verrait soixante à soixante-dix fois par jour. 3M a réussi non parce qu’il embauche les éléments les meilleurs et les plus brillants (ce à quoi il pourrait sans doute prétendre, d’ailleurs) mais parce que sa culture d’entreprise encourage et récompense les gens qui s’entraident et partagent tout ce qu’ils apprennent. Sans doute 3M a-t-il son lot de problèmes et de bureaucratie, mais il travaille très dur pour favoriser la collaboration.

À l’intérieur d’un Cercle de sûreté, quand les gens se font confiance et partagent leurs succès et leurs échecs, ce qu’ils savent et ce qu’ils ne savent pas, il en résulte de l’innovation. C’est tout simplement naturel.

 

Imagine un monde où la confiance règne, où chaque individu sait qu’il peut compter sur les autres, où la coopération n’est pas un vain mot mais une réalité palpable. C’est ce que ce livre nous invite à découvrir.

Dans un récit captivant, l’auteur nous plonge d’abord dans une nuit de combat en Afghanistan, où un pilote, Johnny Bravo, met sa vie en jeu pour protéger des soldats au sol. Pourquoi agit-il ainsi, sans y être obligé ? Parce qu’il sait qu’ils auraient fait la même chose pour lui. Ce sens du devoir, ancré dans l’empathie et le leadership, est au cœur de toute organisation qui fonctionne véritablement.

Puis, nous voici plongés dans l’univers d’une entreprise où les employés sont traités comme des numéros. Jusqu’au jour où un leader visionnaire, Bob Chapman, décide de tout changer. Plus de pointeuses, plus de barrières entre ouvriers et cadres, plus de méfiance. Résultat ? Une transformation spectaculaire où l’humain prend enfin la place qu’il mérite.

Le message est clair : nous sommes biologiquement programmés pour fonctionner en tribu, protégés par un Cercle de sûreté. Lorsque ce cercle existe, les salariés donnent le meilleur d’eux-mêmes, sans stress destructeur ni rivalité toxique. Les organisations qui l’ont compris prospèrent, tandis que les autres s’épuisent dans la peur et le contrôle.

Nous croyons parfois que la sécurité financière est plus importante que le bonheur au travail. Or, les études prouvent que le stress d’un mauvais emploi est plus nocif que le chômage. Être ignoré par son manager tue la motivation, alors qu’un simple mot d’encouragement peut tout changer.

L’auteur ne prône pas un idéalisme naïf : il s’appuie sur des faits, des chiffres et des exemples concrets. Il nous montre que les entreprises les plus performantes ne sont pas celles qui pressent leurs employés, mais celles qui les protègent. Que les grandes réussites ne viennent pas de la compétition acharnée, mais de la coopération et de la confiance mutuelle.

Dans un style fluide et percutant, ce livre bouleverse nos certitudes et nous pousse à voir le travail autrement. Que tu sois dirigeant, manager ou simple salarié, tu en ressortiras transformé. Prêt à bâtir une culture d’entreprise plus humaine, plus forte, et surtout plus pérenne. Car au final, nous ne travaillons pas pour une entreprise, mais pour les gens qui nous entourent.

Tu trouveras ce livre sur le site Place des Libraires en identifiant une librairie près de chez toi, ou sur le site de la FNAC.

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